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se portait garant des dispositions pacifiques du gouvernement français. La France ne se laisserait pas entraîner dans le conflit par une interprétation plus ou moins arbitraire des traités : « nous ne connaissons qu’un traité, celui qui nous lie au genre humain. » Il faudrait répudier l’alliance russe, si la Russie prenait l’offensive. La France doit garder sa liberté d’action, assurer le succès de la médiation proposée par l’Angleterre. Toute intervention de la Russie contrarierait ce généreux dessein. Jaurès, remarque très justement M. La Chesnais, acceptait trop facilement le parallélisme de position de la Russie et de l’Allemagne à l’égard de l’Autriche… « Attila est au bord de l’abîme, mais son cheval hésite et trébuche encore… » Et avec sa puissance d’illusion habituelle, Jaurès se félicitait des bagarres de Berlin qui servaient la cause de l’humanité. — Le Vorwaertsv traduisant, d’après le journal socialiste de Bruxelles, le discours de Jaurès, altérait le passage où il affirmait les dispositions pacifiques du gouvernement français qui devenaient simplement celles de la masse de la population.

Dans une séance du matin, le 30 juillet, les délégués, après avoir rapproché au 9 août la date du Congrès International qui se réunirait non plus à Vienne, mais à Paris, résumaient dans un manifeste, avant de se séparer, leurs déclarations solennelles. « Je vois encore, a dit M. Vandervelde, je reverrai toute ma vie, penché sur ce document, Haase les bras autour de Jaurès renouvelant par ce geste l’alliance contre la guerre qu’ils avaient proclamée dans la réunion de la veille. » Ils différaient pourtant d’opinion sur un point essentiel. D’après un récit de M. Vaillant[1], Haase affirmait à Jaurès que le Kaiser voulait la paix, que le gouvernement de Berlin n’avait pas eu connaissance, avant l’envoi, du texte de la note autrichienne à la Serbie, que seule une cour de l’Allemagne du Sud avait été exactement informée. Alors Jaurès, sachant enfin à quoi s’en tenir sur le jeu de l’Allemagne, répondait que cette version était impossible à admettre, attendu que lui Jaurès (directement ou indirectement, sur ce point les souvenirs de M. Vaillant ne sont pas très nets) tenait d’une personne touchant de près à l’ambassade d’Allemagne à Paris que « de graves événemens allaient survenir. »

  1. L’Humanité du 22 novembre.