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accueillie par un silence mélancolique. Est-ce parce que, entre les deux faits, les États-Unis sont devenus plus forts et l’Allemagne plus faible ? Est-ce parce que l’attitude de M. Wilson s’est modifiée ? Est-ce parce que les argumens du secrétaire d’État américain se sont faits plus persuasifs ? Est-ce parce que l’opinion allemande s’est enfin révoltée contre des cruautés sans frein ? Non. La raison est ailleurs : on la trouvera dans le fait que les auteurs responsables de la politique-des sous-marins ont eu le temps d’en mesurer les effets et que les exploits que nous qualifiions seulement de crimes en mai, apparaissent en septembre comme une lourde faute aux yeux des Allemands. »

M. Balfour est aujourd’hui premier lord de l’amirauté, c’est-à-dire ministre de la Marine du Royaume-Uni : l’opinion qu’il émet a donc une autorité particulière. Il n’hésite pas à dire que leurs sous-marins n’ont pas tenu ce que les Allemands s’en promettaient et que les pertes qu’ils ont éprouvées de ce chef ont été « énormes, » tandis que le tonnage de la marine marchande britannique est aujourd’hui plus élevé qu’avant la guerre. Voilà donc à quoi a abouti l’effort des Allemands au moyen des sous-marins, de quelques cruautés qu’ils paient entouré, et cela explique qu’après avoir joui de la faveur impériale pendant dix-huit ans, ce qui n’est arrivé à aucun autre ministre, l’amiral de Tirpitz l’ait subitement perdue. Le vrai, que M. Balfour laisse clairement entendre, est que les Allemands ont perdu, sans résultat appréciable, un grand nombre de sous-marins. Comment ? Ils ne le savent pas plus que nous. Beaucoup, beaucoup plus qu’on ne le dit, sont partis qui ne sont pas revenus, et dont on n’a plus de nouvelles. La mer a ses hasards, et ses profondeurs sont insondables. Le sous-marin est exposé à bien des périls. Il y a, — qu’on nous passe le mot dans un sujet aussi sérieux, — il y a quelque chose de comique dans l’anxiété avec laquelle un journal allemand se demande ce qu’est devenu l’U27, qui est parti en course et n’est pas rentré. Ce doit être encore, ajoute-t-il, un « crime anglais, » et il se demande si ce n’est pas l’Arabic qui a coulé le sous-marin. On voit que, dans ce cas, l’Arabic, qui était un navire de commerce, a changé son caractère et mérité d’être coulé lui-même. Du petit au grand, c’est la même préoccupation qui porte le gouvernement allemand à soutenir que la Belgique avait la première violé sa neutralité et que, par conséquent, elle avait mérité son sort.


Et après l’Allemagne, voici que l’Autriche a des difficultés avec