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surtout dans la plaine du Nord-Est, étaient unis par des pistes de terre ou d’eau qui, durant les siècles derniers, avaient fait place aux canaux entre l’Elbe et l’Oder, entre l’Oder et la Vistule. Tous ces canaux agrandis et aménagés transformèrent les provinces prussiennes en une sorte de royaume aquatique, et la Marche brandebourgeoise, en un emporium central, dont les quais interminables et les bassins, toujours agrandis, rayonnaient autour de Berlin. Cet emporium berlinois, avec ses dix ou douze succursales de la proche périphérie, était devenu l’un des grands entrepôts du monde : à ne prendre que Berlin et Charlottenbourg, 63 000 bateaux y débarquaient ou embarquaient, en 1912, 7 millions de tonnes environ.

On avait rêvé d’impérialiser encore ce royal emporium, de l’unir à tous les fleuves de la terre allemande, comme il était uni déjà à tous les fleuves du royaume prussien, de pousser de l’Elbe au Weser, à l’Ems, au Rhin, ce « Canal d’Empire, » qui, désormais, eût parcouru toute la plaine nordique, depuis la frontière hollandaise jusqu’à la frontière russe. Mais les défiances et les intérêts rivaux de l’Allemagne occidentale refusèrent cette extension magnifique au trafic de Berlin : le Rhin et l’Ems seulement furent réunis par un tronçon de canal, qui donna au Rhin allemand l’accès de la mer allemande dans un port allemand, à Emden.

Cette navigation intérieure s’était constamment développée durant les trois dernières décades :


Nombre et tonnage 1877 1887 1897 1907 1912
Milliers de bâtimens 17,6 19,9 21,9 26,1 29,5
Milliers de tonnes 1 377 2 100 3 370 5 914 7 394

Elle s’était constamment perfectionnée, en abandonnant le radeau, la voile et le halage pour le chaland ou le bac en métal, la vapeur et la traction mécanique. Sur les 20 000 bâtimens fluviaux de 1887, 1 200 à peine étaient mus par leurs propres moyens ; sur les 20 000 de 1912, il y en avait près de 4 500. Grâce à cette flotte intérieure, tout le pays, même les villages les plus éloignés des bassins houillers et des usines, obtenaient en quantité et à bas prix les lourdes matières, et le charbon ne manquait nulle part, et la construction en bois et en ciment armé était partout facile, et les petites et grandes usines recevaient les minerais exotiques, amenés par mer à l’embouchure