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parlement national et sa bureaucratie parisienne de l’effroyable surcharge d’affaires qui, de jour en jour, augmente notre paperasse et paralyse notre gouvernement, nous aurons beaucoup à prendre dans les exemples de l’Allemagne bismarckienne. Les assemblées impériales de Berlin étaient des Chambres de haute politique. Les assemblées royales, grand-ducales ou ducales de Munich, de Stuttgart, de Karlsruhe et d’ailleurs étaient surtout des Chambres d’affaires courantes, de commerce, d’industrie, d’éducation, d’assistance. Chez nous, tant que les grandes villes provinciales, Nancy, Lyon, Bordeaux, Lille, etc., ne pourront pas jouer ce rôle de capitales secondaires pour la tutelle et le développement des affaires régionales, Paris continuera d’être engorgé et sous la menace quotidienne d’une congestion périlleuse, tandis que, toujours appelée de toutes parts vers ce point unique, la vie désertera de plus en plus les extrémités, et même tout le reste du pays. Entre l’excès de centralisation à la française et l’excès de fédéralisme à l’américaine, Bismarck avait su ménager un équilibre qui permit à l’Allemagne de garder sa tête libre et ses membres dispos.

À ce premier bienfait, l’Empire en avait ajouté un second, et plus grand encore : il avait, pour la première fois au cours de l’histoire, doté la terre allemande d’un réseau de communications, d’un appareil circulatoire que le corps germanique d’autrefois n’avait jamais possédé.


Ce fut pour les Allemagnes une innovation sans pareille. Elles acquirent après dix-neuf siècles ce que la domination romaine avait valu jadis aux autres terres de l’Occident. Dans la forêt gauloise jadis, Rome avait trouvé partout un solide terrain pour ses routes de pierre, et c’est par la route qu’elle avait imposé de ce côté du Rhin sa loi centralisatrice et l’unanimité de sa paix. Dans la Germanie du Danube et du Main, Rome avait pu frayer aussi, puis asseoir son passage et, jusqu’à la forêt du Harz, ouvrir les pays du Sud au commerce du monde. Ni dans cette Germanie du Sud, ni surtout en Gaule, les invasions et les ravages des Barbares n’effacèrent jamais du sol l’ouvrage des Romains ; le Moyen Age et les temps modernes continuèrent de suivre ces chemins séculaires