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terrain purement religieux, en dehors de toute politique, une collaboration franco-suisse, où l’assistance du trésor français à la vie économique des Cantons avait pour contre-partie notre sécurité vers les Alpes et le concours à nos armes des meilleurs élémens militaires d’Europe : tels furent les deux résultats séculaires que nous valut après Marignan la modération de la politique française. Le Milanais, repris alors par nous suivant une tradition déjà surannée, ne devait que trois siècles et demi plus tard être délivré, avec l’appui de nos forces, des serres de l’aigle autrichienne qui, sous Maximilien déjà, le convoitait. Mais l’indépendance helvétique, désormais assurée par l’alliance française, est un fait trop capital dans l’histoire de l’Europe pour que les gloires qui s’y rattachent ne méritent pas doublement d’être fêtées par nous en ce moment. Les Suisses, « nos bons et grands amis et alliés, » — comme dit le protocole officiel conservé entre nous depuis cette date, — nous pardonneront de célébrer, parmi les fastes de notre passé national, le quatrième centenaire d’une victoire que leur héroïsme nous rendit si particulièrement chère ! Si Marignan marqua dans l’histoire de leur pays la fin d’une politique d’expansion, démesurée pour ses ressources économiques d’alors, le sang versé en commun par nos pères, dans une lutte sans haine, pour des causes extérieures, a en réalité cimenté entre nous une union de quatre siècles, où le respect mutuel d’une égale valeur s’est mué en une glorieuse fraternité d’armes et une amitié d’âge en âge renouvelée.


JACQUES DE DAMPIERRE.