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vers Plaisance, et cela, dit du Bellay, « pour deux occasions : l’une que l’un ne se fioit de l’autre… et tous deux aussi en général craignoient d’entrer entre l’armée du Roy tant gaillarde et celle des Vénitiens. » Ces derniers effectivement s’approchaient vite pour se joindre sous Milan aux forces françaises. Les délégués des Suisses eux-mêmes acceptèrent donc les propositions du roi, et, le 8 septembre, un armistice était signé par eux présageant une paix prochaine, quand brusquement, en quelques heures, l’orage éclata. Mécontens de paraître s’enfuir sans combattre, n’admettant pas qu’ils pussent être vaincus, la plupart des Suisses rassemblés dans Milan refusaient d’accepter une solution pacifique. Plus papalin que le Pape lui-même, le cardinal Schinner saisit l’occasion. Il sut enflammer ses compatriotes par les mots qui leur allaient au cœur et, s’il ne put tous les convaincre, au moins eut-il la folle joie de lancer la plupart d’entre eux en une attaque brusquée, héroïquement téméraire, sur le camp de François Ier, posté sans défiance à Marignan.

C’était le 13 septembre au matin. Il n’est guère besoin de rappeler ici les hauts faits de ces deux jours de lutte épique, la rapide mise en garde des Français, avertis par la poussière que soulevait l’ennemi dans la plaine, les ruées folles des Suisses, jusque sous la gueule des canons, la mêlée si intense dans la poussière et jusqu’au crépuscule que personne ne s’y retrouvait plus, Français et Suisses ayant pour même uniforme la croix blanche, à laquelle ces derniers avaient seulement, avant la bataille, ajouté comme insigne une clé distribuée par Schinner. Qui ne connaît cette nuit passée à se rallier tant bien que mal, le roi François Ier.lui-même ne reposant qu’un moment sui l’affût d’un canon, et ces beaux récits d’élégantes prouesses, comme ce geste du souverain, brave parmi les braves et voulant se faire adouber chevalier par Bayard ; enfin dès le point du jour, ces charges réitérées de la gendarmerie française, rétablissant l’ordre compromis par la panique des lansquenets et achevant la défaite des Suisses, que l’artillerie avait décimés. Le 14 septembre, vers huit heures du matin, l’avant-garde vénitienne atteignait le champ de bataille, amenée à bride abattue par le vaillant Barthelemi d’Alviana lui-même. Trois heures plus tard, quand le gros de ce secours arriva, les Suisses étaient en pleine retraite. Ils avaient perdu plus des trois quarts de leur