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que le nouveau roi de France marchait avec une imposante armée vers les Alpes, pour tendre la main aux Vénitiens et restaurer son autorité sur le Milanais, les Suisses, entraînés par l’éloquence du cardinal Schinner, l’un des leurs, s’étaient enthousiasmés pour la cause qu’ils croyaient être en même temps celle du Pape et de la chrétienté. L’Empereur devait les rejoindre avec une armée ; les troupes pontificales sous Laurent de Médicis accouraient de leur côté ; on escomptait le concours des vaillans Espagnols de Raimon de Cardone, et certes, devant une coalition pareille, l’armée française pouvait s’attendre à de rudes combats ! Aussi n’avait-on rien négligé pour la rendre redoutable. Aux célèbres « bandes noires » des lansquenets lorrains, corps régulier, entraîné, bien payé, de vieux soldats de carrière, se joignaient ces Gascons ou Biscaïns, dont la bravoure bien connue était la gloire militaire de la Navarre. Mais le roi de France avait, outre ces mercenaires, deux forces qui lui étaient propres et faisaient la terreur et l’envie de l’ennemi : son artillerie et ses gens d’armes. On sait que ces derniers possédaient depuis déjà plus d’un siècle l’organisation régulière, la discipline et les traditions des armées de métier, tout en étant recrutés exclusivement parmi la noblesse, c’est-à-dire les familles militaires du royaume. Leurs « compagnies d’ordonnance, » de cent lances ou six cents hommes chacune, étaient donc de véritables régimens de grosse cavalerie, au sens moderne du mot ; et c’étaient des troupes nationales, non seulement bien dans la main de leurs chefs, mais indéfectiblement fidèles à la cause de leur roi, qui se confondait à la fois avec leur devoir militaire et avec leur foi dans leur pays. Seule en Europe, cette cavalerie jouissait de pareilles forces morales et son armement par ailleurs ne laissait plus rien à désirer : bien montée, pourvue pour l’attaque de lances, épées et masses bien étudiées, protégée, hommes et chevaux, par des armures pratiquement impénétrables, tant que le cavalier restait en selle, cette force était, dans la charge, la plus formidable machine de guerre qu’on pût alors déchaîner sur des gens de pied.

Quant à l’artillerie française, encore perfectionnée, nous l’avons dit, depuis vingt ans, elle avait eu, dès le premier jour de son règne, l’attention particulière du roi. Celui-ci n’avait pas hésité à pourvoir des moyens d’action nécessaires ce