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germanisme féodal à la conception plus moderne du souverain, tirant de ses ressources propres les moyens d’action nécessaires à son prestige. Si Charles est bien ainsi le premier des grands empereurs qui ont façonné l’Europe moderne, Maximilien est le dernier de ces fantômes de souveraineté nominale auxquels avait abouti le fractionnement indéfini de la puissance souveraine dans les conceptions allemandes du Moyen Age. Cette survivance d’un passé que le XVIe siècle allait bouleverser par des consolidations nouvelles ne pouvait, devant les armées d’une France monarchique et unie, que négocier ou disparaître.

Et tel était bien aussi le cas pour cette autre survivance politique du XVe siècle italien, la puissance du Pape, en tant que souverain belliqueux. Les Borgia n’étaient plus, Jules II était mort ; dans l’effondrement général des forcés morales et politiques de l’Italie, ces pontifes ambitieux s’étaient montrés également incapables de restaurer le prestige de leur autorité spirituelle et de créer autour de leur puissance temporelle un groupement durable des cités rivales, dédaigneuses de leur médiation trop intéressée. Ils étaient devenus des potentats comme les autres, et cette décadence, en leur fermant les yeux sur les problèmes généraux qui secouaient déjà l’Eglise universelle, avait abaissé leur politique aux conceptions mesquines des coalitions purement italiennes et des intrigues de cours. Les efforts mêmes de quelques réformateurs s’usaient et se perdaient dans cet inquiétant lacis de compromissions immorales, où ne semblait guère subsister d’universel que le goût des belles choses et de cette haute culture dont Rome était devenue l’asile magnifique et tolérant. Bonne tout au plus pour intervenir dans les conflits des petites républiques voisines, l’armée de tels souverains, formée de bandes d’aventure, ne pouvait plus prétendre à jouer un rôle dans le champ clos élargi des grandes luttes européennes. A Marignan, les troupes de l’humaniste Léon X resteront en réserve, et la défaite de ses alliés lui suffira pour comprendre que, désormais, la force des papes est d’ordre diplomatique et que leurs plus belles victoires seront, dans les temps modernes, des traités.

Mais, à côté de cette Italie divisée, où le Pape et l’Empereur achevaient d’user leur prestige médiéval en de mesquines intrigues, indignes de leur passé autant que des grandes luttes prochaines, une puissance militaire s’était depuis un siècle