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c’est Bismarck qui l’a voulue ; mais, au gouvernement de l’Empereur, personne n’a exactement voulu qu’il n’y eût point de guerre et n’a soumis toute la politique à cette volonté.

De tous les hommes qui furent au pouvoir en 1870, celui qui a le moins voulu la guerre, c’est celui-là même à qui on l’impute généralement, l’auteur de l’Empire libéral. « Le gouvernement désire la paix, s’écriait-il, le 6 juillet, à la tribune de la Chambre. Il la désire avec passion… » Et la gauche proteste… « mais avec honneur ! » Applaudissemens de toutes parts. Le désistement du prince Léopold combla de joie, le 10 juillet, Emile Ollivier qui, sans retard, annonça la paix et, dans les couloirs de la Chambre, sema cette bonne nouvelle. La demande de garanties n’émane pas de ses conseils. Il est partisan de la paix, « avec honneur, » jusqu’au « soufflet de Bismarck. » Dès lors, il n’hésite pas : c’est la guerre. A-t-il raison ? La France avait reçu, de Bismarck, un soufflet !… Si l’on objecte à Emile Ollivier que c’était là trop de susceptibilité, la réponse lui est facile : la France a le droit d’être susceptible. Sans doute ! et l’on se sent, je l’avoue, en position gênante pour n’être pas de cet avis : Bismarck avait provoqué la France. Et, la France n’eût-elle pas relevé le défi, Bismarck n’était pas au bout de ses manigances. Pourtant, on ne se délivre pas de cette idée que la terrible guerre a été résolue, un peu, comme un duel. Au bout du compte, avant de lancer le cartel où était risquée la France, où étaient aventurés les siècles de la France, il valait d’y regarder à deux fois.

La suprême réplique d’Emile Ollivier, la voici : nous étions prêts ; la guerre devait réussir. Avec quelle ardeur combative et quelle superbe véhémence, avec quelle angoisse, dans ses derniers volumes, il s’acharne à démontrer ces deux thèses ! Nous étions prêts : l’étions-nous ? et tout s’est passé comme si nous ne l’étions pas ! Emile Ollivier cite des chiffres, discute les allégations des adversaires de la France et des adversaires de l’Empire ; il accumule les argumens et les preuves. Combien de fusils, de canons, de souliers, de capotes, dolmans et tuniques de sacs, de tentes, de couvertures ? Combien de cartouches, d’obus ? Tant. Et en fallait-il davantage ? A Gravelotte, les Prussiens ont perdu 19 260 hommes, 899 officiers : « Notre belle armée ! s’écriait le Prussien Kreischmann ; encore beaucoup de victoires comme celle-là, elle n’existera plus ! » Tous ces