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s’informe ; et il n’omet rien de ce qui peut l’avertir. Ensuite, avec bonne foi, il n’a plus qu’à livrer au public ses conclusions et ses preuves.

Emile Ollivier n’a rien ménagé pour se procurer les bons matériaux de son ouvrage. Pendant plusieurs années, il a lu, compulsé, copié, aux Archives des Affaires étrangères, les dépêches et les divers papiers de l’Empire ; il a examiné les actes officiels de tous les pays, recueils diplomatiques, débats des assemblées ; il a interrogé ceux des « acteurs du drame » qui survivaient et qui voulaient bien lui communiquer leurs carnets et leurs notes ; et il avait, lui aussi, ses notes et ses carnets, son journal quotidien, destiné à lui seul et où, dès l’Empire, il consignait le détail de ses journées. Surtout, il avait à sa disposition ses souvenirs, et d’une acuité singulière. Son journal quotidien, le journal d’autrui, les actes officiels, les archives, lui permettaient de contrôler ses souvenirs ; mais aussi l’interprétation des documens lui était fournie par ses souvenirs ou, disons plus simplement, par son souvenir général de la vérité dont il possédait l’intangible certitude. Son histoire, sans cesse complétée, alimentée de nouvelles acquisitions, dépend moins du travail qu’il accomplit pour en élaborer les volumes que de son ancien contact avec les événemens et les hommes. Il a été, il continue d’être l’un des « acteurs du drame ; » il ne s’est pas détaché du drame dont il se fait l’historien. Son œuvre n’en est que plus émouvante. Dira-t-on qu’elle en a moins de valeur historique ? Non : cette vue des événemens et des hommes appartient à l’histoire ; elle a eu des conséquences réelles et elle est le testament d’une pensée qui fut active et, vaille que vaille, efficace. L’on se trompe, si l’on croit que l’histoire est jamais dans un livre : il n’appartient à personne de l’accaparer tout entière ; elle est dans la réunion des livres, de même qu’il y a plus de vérité dans la somme contradictoire des systèmes que dans une philosophie, de même qu’il y a plus de réalité dans la tumultueuse quantité des hommes que dans un héros.

L’Empire libéral est, à mon avis, l’un des témoignages qui composent l’histoire du second Empire. Et quel témoignage, d’une autorité impérieuse, d’une abondance extraordinaire, d’un prix inestimable ! « On pourra, dit Emile Ollivier, en regardant à la loupe ce que j’ai écrit, y relever quelques