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repousse en une sanglante mêlée un furieux assaut d’infanterie. Celui-ci se renouvelle au milieu du jour, appuyé cette fois d’une attaque parallèle sur nos positions d’extrême droite. Au centre, il faut aux 3e et 4e de ligne trois heures d’un combat sans nom pour rejeter la terrible ruée, qui sans cesse se renouvelle, s’intensifie, pour se briser enfin. A droite, le 151e d’infanterie français, aidé d’une partie de la 2e division belge, se couvre de gloire et reste maître du terrain. Le soir, l’ordre du jour impérial est lu aux armées allemandes : le choc général va se produire d’Arras à la mer. Le canon ne se taira pas avant la victoire ou la défaite… L’inondation, qui, déjà, atteint presque la route de Saint-Georges à Ramscapelle, inquiète de plus en plus l’état-major allemand, dont les ordres se font fébriles et se multiplient.

Le jour n’est pas encore levé que l’infanterie ennemie apparaît. Elle se multiplie, se tasse, se serre. Sur des lieues et des lieues, elle s’avance, se couche, se relève, déferle enfin. Belges et Français, de leurs tranchées, ou sautant hors de leurs tranchées, tirent, tirent sans repos. Ils ne cèdent pas. Un craquement pourtant se produit. Devant Oudstuyvekenskerke, les Allemands arrivent au chemin de fer, ils s’acharnent, ils montent, ils vont passer. Une énergique secousse les renverse, une dure poursuite leur fait quelques centaines de prisonniers. Sur le front du 10e de ligne, les Prussiens, qui se sont tenus silencieux dans les fossés, — où déjà un peu d’eau saumâtre s’avance, — surgissent soudain dans un moment d’accalmie. Terrifiés et décimés, ils regagnent bientôt leur abri. A Ramscapelle, où la menace de l’eau est visible, pressante, sans rémission, la conscience du danger décuple la force des assaillans. Ils se précipitent, hurlans, avec des grenades à la main. Les soldats des 5e et 6e de ligne, au milieu des cris et des râles, résistent de leur mieux. Mais, à la faveur de la mêlée, des mitrailleuses ont pu arriver sur le talus même qui les protège, et prennent d’enfilade leurs couloirs. Des hommes tombent par dizaines. Les autres, dans un mouvement subit, évacuent leurs abris, ouvrant une brèche dans nos défenses. Les bataillons allemands, follement lancés, passent au-dessus du talus et entrent dans Ramscapelle !

Leur orgueil est sans mesure. Au-delà du remblai qu’ils viennent de dépasser, il n’y a plus jusqu’à Dunkerque qu’une