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encore, avec les briques et les tuiles, des fragmens d’armes et des débris humains.

C’est à la ferme Dupré, un peu plus au Sud, où deux tentatives de passage sont facilement enrayées. C’est à Schoorbakke même, où le 3e de ligne repousse deux attaques sur la tête de pont. C’est à Tervaete, enfin, où les fantassins du 8e défendent brillamment le pont que l’ennemi croyait emporter du premier coup.

De plus en plus pourtant, la pression s’accentue sur la rive droite de la boucle. Dans l’épaisse nuit du 21 au 22, des fusées éclairantes jaillissent et se cassent au fond du ciel. Le silence est profond, le danger couve, l’ombre se meut. Soudain, par un coup audacieux et rapide, une compagnie allemande s’empare d’une passerelle en aval de Tervaete. Ce sont des soldats du génie qui, en face d’eux, défendent la berge. Ils sont tôt bousculés, ayant peu de cartouches. La menace se propageant sur tous les points, les renforts ne peuvent accourir à leur aide. Ils reculent. Des bottes allemandes foulent notre rive. Mais l’ennemi ne profite pas de la surprise. Au lieu de s’avancer en force par la brèche qu’il s’est ouverte, il hésite, se défie, se retranche, tend l’oreille. Au moins a-t-il amené presque autant de mitrailleuses que d’hommes, de sorte qu’il paralyse tout retour offensif des compagnies frémissantes, et que, à l’abri de la tête de pont qu’il vient de constituer, il multiplie sur la rivière les passerelles. Nos batteries le canonnent de Stuyvekenskerke : il tient bon cependant, cramponné au sol conquis… Le jour marque le début d’un combat acharné contre les bataillons qui, peu à peu, se sont infiltrés dans toute la boucle. Nos contre-attaques se déploient, refoulant les Allemands à l’Yser, refoulées à leur tour, repartant encore dans un nouvel élan. Le bruit même de la bataille soutient leur vigueur. Au Nord, à la gauche de la 1re division, le claquement vif, furieux, mordant, ininterrompu de nos canons met dans l’air un grand vent d’attaque, Il semble que là c’est nous qui perçons. C’est tout simplement, devant Saint-Georges, le lieutenant Matagne qui, l’infanterie ennemie s’avançant à découvert dans la plaine et se déployant déjà à cinq cents mètres du fleuve, a sorti hardiment ses canons des abris et, au galop des petits chevaux courant à la rencontre des Allemands, a conduit toute sa batterie jusque sur la berge… Il s’agit ici aussi d’avoir du