Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à coup de l’ombre se jettera brutalement sur le point faible de la route de Beerst où le 12e de ligue a cédé le 20 octobre. Débordés, les fusiliers marins qui l’occupent reculeront momentanément. A côté d’eux une compagnie du 11e, — celle du lieutenant Gervais Verhamme, — parvenant à s’accrocher à sa ligne, refusera de reculer. Bien que « en l’air » et prise d’enfilade, elle voudra mourir à son poste : « Je n’ai pas reçu l’ordre de reculer ! » criera le lieutenant Verhamme. Et, du premier au dernier, lui et ses hommes seront massacrés, ou blessés, faits prisonniers, avant qu’un brillant retour offensif des marins n’ait rétabli, avec un grand cri de victoire, le front percé. Dernier spasme d’une attaque qui pendant quarante heures n’a cessé de se renouveler. Pour deux jours, un silence relatif se fera sur Dixmude. L’intérêt de la bataille, depuis le matin du 21, s’est porté sur le Centre. Le drame de Tervaete a commencé.


V

Sept divisons allemamdes sont échelonnées en face de nous, sur dix-huit kilomètres, le long du fleuve. Elles ont commencé dans la journée du 20 octobre par se retrancher. Et quatre cents pièces, principalement d’artillerie lourde, entrant en action, ont canonné sans relâche la digue Ouest que nous occupons. Nous n’avons pour riposter que trois cents canons de 75, — qui avaient déjà tiré des milliers de coups, — et vingt-quatre obusiers de 150, apportés d’Anvers. Cette artillerie, pendant le combat gigantesque qui va s’engager, sera en tous points admirable d’adresse et d’audace. Affreusement éprouvée dans, ses servans, ses officiers, son matériel, elle ne faillira pas un instant à son écrasante tâche. Et si un jour elle doit s’arrêter de tirer, épuisée, réduite de moitié, n’ayant plus que dix coups par pièce, — ce sera le jour de la victoire.

Avec quelle agilité, quel à-propos, quel sens de l’offensive, quelle conscience du pouvoir moral de sa voix qui ne doit pas s’éteindre, elle va inquiéter l’ennemi, briser ses passerelles, courir à sa rencontre, s’il le faut, et à sa poursuite, protéger et rassurer le fantassin lassé ! Mais, contre les canons de fort calibre qui tirent de plusieurs lieues de distance, elle est quasi