la tête, que nous formions un projet, nous défendions un droit, c’était un scandale en Europe, et que les meilleurs nous en voulaient de compromettre une paix où ils se trouvaient bien. La foudre, en tombant sur eux, ne les a que trop éclairés : elle leur a montré la solidarité qui existe entre toutes les nations libres, qui veulent continuer de l’être, et qui aiment mieux mourir que de manquer à l’honneur.
Toute cette première et longue partie du discours de M. de Bethmann-Hollweg nous laisse indifférens, mais il n’en est pas de même de la dernière, non plus que du récit sophistiqué fait par le chancelier des négociations qui ont eu lieu en 1912, entre l’Angleterre et l’Allemagne, sous prétexte d’assurer le maintien de la paix. Ces négociations avaient été précédées et préparées par un voyage de lord Haldane à Berlin. Germanophile avoué, nul ne pouvait être mieux choisi que lui pour ouvrir les voies et il les a ouvertes en effet ; mais les négociations ont été ensuite poursuivies à Londres et, là, on s’est aperçu vite que la prétention de l’Allemagne était d’engager l’Angleterre, sans s’engager elle-même, ce qui est d’ailleurs l’objet habituel de sa politique. Les deux pays essayèrent plusieurs formules d’entente sans parvenir à se mettre d’accord. L’Angleterre offrait de ne prendre part à aucune agression contre l’Allemagne. Celle-ci voulait davantage et, par exemple, que, « si on imposait la guerre, » l’Angleterre s’engageât à observer une neutralité bienveillante. Quoi de plus obscur qu’un pareil mot ? L’Allemagne ne soutient-elle pas encore aujourd’hui qu’on lui a imposé la guerre actuelle ? Dès lors, dans sa pensée, l’Angleterre n’aurait pas pu y prendre part. A Londres, où on ne regarde pas les traités comme des chiffons de papier et où on ne s’engage qu’à bon escient, on refusa de s’associer à une équivoque. C’est ce que sir Edward Grey explique aujourd’hui en disant dans sa lettre à la presse que, pour que les négociations eussent abouti, il aurait fallu que la Grande-Bretagne s’engageât à observer une neutralité absolue, tandis que l’Allemagne, aux termes de ses alliances, serait restée libre de participer à n’importe quelle guerre européenne. Ces négociations nous reportent à trois ans en arrière, elles appartiennent au passé : le présent, il faut le chercher dans les intentions que révèle-le discours de M. de Bethmann-Hollweg. Sir Ed. Grey le résume en ces termes qui sont, dit-il, textuellement reproduits : « L’Allemagne devra avoir la haute main sur les destinées de toutes les autres nations, être le bouclier de la paix et de la liberté pour les grandes et pour les petites. » Celles-ci n’auront que les libertés que l’Allemagne voudra bien leur accorder. Et le ministre des Finances allemand