Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

part en effet elle produisait de la fumée, preuve que sa combustion était incomplète et son rendement imparfait ; d’autre part, certains produits de cette combustion étaient nécessairement solides et non pas gazeux, comme le sulfure de potassium, produit de l’union du soufre avec le potassium du salpêtre et cette substance solide encrassait les bouches à feu et contribuait à diminuer le rendement, On avait remarqué dans le courant du XIXe siècle qu’on atténuait cet inconvénient en diminuant la quantité de soufre, mais cette diminution rendait beaucoup plus difficile l’inflammation de la poudre, et les progrès dans ce sens avaient été forcément limités, malgré l’emploi, au lieu de charbon ordinaire, de charbons roux, résultant de la calcination incomplète de certains bois et qui avaient permis de réaliser des poudres brunes, pauvres en soufre.

Mais tous ces progrès furent éclipsés complètement par l’introduction du coton dans la fabrication des poudres, ou du moins le jour où les découvertes de Vieille permirent de régulariser son usage en toute sécurité.

Le coton représente à l’état pur la substance que les chimistes appellent cellulose parce qu’elle constitue le vêtement des cellules végétales et qu’on retrouve dans le bois, d’une manière générale dans les plantes et dans les principaux produits qui en dérivent : les étoffes et les papiers. La cellulose est un hydrate de carbone, c’est à-dire un carbure d’hydrogène légèrement oxygéné ; elle constitue, comme chacun l’a pu remarquer en enflammant un morceau de coton, un combustible excellent et léger.

Le chimiste bâlois Schönbein avait découvert dès 1846, qu’en traitant le coton par l’acide azotique ou nitrique (auquel on ajoutait de l’acide sulfurique pour absorber l’eau formée dans la réaction, car on sait que l’acide sulfurique est un avide buveur d’eau) on obtenait une substance qu’on appela pyroxyde, fulmicoton, coton-poudre, coton nitré ou nitro-cellulose. Cette substance dans laquelle le combustible cellulose et le comburant acide nitrique étaient associés sous une forme extraordinairement instable avait, comme Schönbein le signala dès le début, la propriété de détoner avec violence sous les influences les plus minimes.

Dès le milieu du XIXe siècle Schönbein lui-même et ses émules songèrent à appliquer le coton-poudre au chargement des armes à feu afin de remplacer la vieille poudre noire. On reconnut en effet bien vite que la puissance dégagée par celle-ci était très inférieure à celle du coton-poudre. Tandis en effet, et pour prendre un exemple, que la