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tâtonnemens purement empiriques. Aujourd’hui encore, comme il y a quelques siècles, la poudre noire est composée de soufre, de charbon (corps comburans) et de salpêtre ou azotate de potasse (composé oxygéné de l’azote) ; les proportions que l’expérience a montrées les plus favorables sont : 75 pour 100 de salpêtre, et le reste constitué de parties à peu près égales de soufre et de charbon de bois.

On sait que ces messieurs boches, toujours en mal de conquêtes et d’annexions plus ou moins légitimes, ont depuis longtemps répandu dans le monde la légende que la poudre a été inventée par un des leurs, le moine Barthold Schwartz. Et ma foi, si nous nous étonnions un peu de les voir raconter l’histoire de la chimie sans parler de Lavoisier, exclure Niepce et Daguerre de celle de la photographie, et Pasteur de celle de la microbiologie, beaucoup de gens s’en vont encore répétant sur la foi des in-folio teutons que la poudre a été inventé par Schwartz. C’est si loin de nous, et nous sommes tous portés à croire à l’honnêteté d’un cuistre, pourvu qu’il porte un bonnet de docteur et se réclame de la véracité germanique !

La vérité, c’est que, comme l’a lumineusement montré Berthelot, on rencontre pour la première fois en 1354 le nom de Barthold Schwartz, et qu’à cette époque la poudre était connue depuis un siècle au moins, qu’elle avait été employée antérieurement à cette date, notamment à la défense de Cambrai en 1334 et à Crécy en 1346, et que Pétrarque en parle dans un de ses traités en 1344.

Donc les Boches ne sont point fondés à prétendre qu’ils ont inventé la poudre, et rien ne permet d’attribuer à tel ou tel la découverte de cette substance que de longues générations d’alchimistes ont peu à peu extraite des cornues médiévales.


Jusque vers la fin du XIXe siècle la poudre noire fut maîtresse des champs de bataille. Pendant cinq siècles, c’est elle qui eut l’honneur d’être la principale pourvoyeuse de Thanatos, et c’est à peine si ses succédanés actuels dépassent un peu ses qualités homicides.

C’est d’ailleurs uniquement comme agent propulseur, servant à chasser les projectiles hors des armes à feu que la poudre a été employée d’abord et pendant plusieurs siècles. L’idée de charger les projectiles eux-mêmes de matières explosives est toute moderne. C’est seulement en tant qu’agent propulseur que nous étudierons d’abord la poudre.

A ce point de vue, et si excellente que fût la poudre noire, certains faits prouvaient a priori qu’elle ne réalisait pas la perfection : d’une