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de pièces légères qui constituent l’armement de cette importante « avancée » de la défense allemande.

J’ai expliqué dans l’étude citée plus haut quel était le rôle assez complexe d’Helgoland, à la fois poste d’observation, station de bâtimens légers (sous-marins compris) et place forte maritime battant de près un très bon mouillage qui s’étend à l’Est du Sand Insel[1] et, de loin, jusqu’à 25 kilomètres peut-être, les approches des embouchures de la Jade-Weser, de l’Elbe et de l’Eyder.

Je viens de dire : jusqu’à 25 kilomètres peut-être. Ceci veut être commenté.

Au cours de cette guerre, les Allemands ont opéré des bombardemens « sensationnels » avec des canons de marine, — un des 381 millimètres, destinés à un cuirassé en construction, a tiré sur Dunkerque, — dont la portée atteignait 38 kilomètres. Mais on ne peut guère obtenir l’angle de projection nécessaire qu’à la condition de donner à la bouche à feu un affût, un châssis, une plate-forme dont les dispositions ne se concilient pis aisément avec l’organisation intérieure d’une grande coupole battant tous les points de l’horizon et qui a la charge d’assurer à la pièce une protection à peu près complète. Dans ces dernières conditions, qui se rapprochent singulièrement de celles qui s’imposent pour les canons de bord, et même en tenant compte de l’altitude (50 mètres en moyenne) du plan de site des bouches à feu d’Helgoland, je ne pense pas que leur portée puisse dépasser les 25 kilomètres dont je parlais tout à l’heure. Encore est-ce beaucoup, et convient-il d’observer que ce n’est pas là une portée pratique, quand il s’agit d’atteindre des bâtimens, buts très mobiles et de très faible étendue. A peine, d’ailleurs, les verrait-on avec les meilleures lunettes de pointage, obligées de percer une atmosphère chargée d’humidité.

Or, entre Helgoland et Cüxhaven, il y a 56 kilomètres. Si, par conséquent, les Allemands ont prétendu que les feux de la côte ferme pouvaient se croiser avec ceux des coupoles d’Helgoland, ils ont, dans une intention facile à comprendre, joué sur les mots. Les portées extrêmes des canons mis en jeu ne « mordraient », les unes sur les autres que dans des conditions qui sont rarement réalisables.

  1. C’était justement le mouillage de l’escadre française pendant le blocus de 1870-71.