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méthode et persévérance, et les maladies locales sont scientifiquement étudiées.

Le facteur principal de l’avenir du Soudan est évidemment la formation intellectuelle et morale de sa population, son élévation à la vie civilisés. Le nombre des enfans qui sont inscrits aux kouttabs (petites écoles élémentaires) était seulement de 1 280 en 1907, il s’est élevé à 2 123 en 1909 et à 3 226 en 1912. Durant cette dernière année, les écoles primaires ouvertes dans les six villes principales en vue surtout de fournir à l’administration les employés subalternes qui lui font défaut et dont le recrutement en Égypte est très difficile, comptaient 958 élèves. 178 apprentis fréquentaient les quatre écoles industrielles. Réparties en zones d’influence bien délimitées, les missions catholiques, anglicanes, baptistes, dispensent également l’enseignement dans leurs écoles en même temps que les principes de la morale et de la religion. Elles le font en toute liberté au profit des populations païennes des régions méridionales. Ailleurs l’ouverture de leurs écoles est subordonnée à une autorisation qui n’est accordée que sous certaines conditions destinées à prévenir le prosélytisme dont pourraient être l’objet les musulmans. Précaution peut-être superflue. Bien qu’ils soient autorisés à convertir les païens, les missionnaires baptisent rarement, en revanche ils répandent sans réserve autour d’eux les principes de la morale, du sens commun, de l’hygiène, les élémens de l’agriculture et de la tenue du ménage. Les inspecteurs du service agricole visent le même but.

L’exemple des Européens, Grecs et Syriens venus au Soudan dans l’espoir, que l’événement a le plus souvent déçu, de s’enrichir dans les affaires, agirait efficacement en vue de donner aux indigènes de nouveaux besoins et de nouvelles idées. Actifs, entreprenans, expérimentés, munis parfois d’un capital liquide, pourvus en tout cas des connaissances et des dispositions qui manquent aux indigènes, ces hommes, avec leurs qualités et leurs défauts, agissent comme un levain dans les pays que la civilisation moderne n’a pas encore pénétrés. C’est ce qu’avaient bien compris Mehemet Ali et ses successeurs. Sans le concours des Européens attirés sur les bords du Nil par les faveurs que les khédives leur prodiguèrent, jamais l’Égypte ne serait devenue le pays le plus riche et le plus civilisé de l’Orient.