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Si une œuvre considérable a déjà été accomplie au Soudan égyptien, beaucoup y reste encore à faire. Les Anglo-Egyptiens sont allés, comme de juste, au plus pressé, ils se sont appliqués surtout au maintien de l’ordre matériel, à l’administration des finances, à l’établissement des voies d’accès, des moyens de communication et de transport ; la justice, la législation, l’instruction publique et, nous l’avons vu, l’organisation économique, ne les ont pas beaucoup occupés.

Le pays est gouverné, administré et même jugé par des militaires. On sait que le gouvernement anglais transforme volontiers les officiers de l’armée en agens coloniaux. Il y manque d’autant moins au Soudan que la pacification de ce vaste territoire est très récente. Sous les ordres du général Wingate, qui cumule les fonctions de généralissime de l’armée égyptienne et de gouverneur, des majors et des capitaines remplissent les fonctions de préfet, de secrétaire financier, de directeur des chemins de fer, des postes et télégraphes, de la navigation, des douanes, etc., voire celles de juge. Naturellement, ces militaires se soucient assez peu de la loi, soit qu’il s’agisse de l’édicter, soit même qu’il s’agisse de l’appliquer. Ils rendent la justice en vertu d’une ordonnance de la justice civile promulguée en 1899, la première année de la conquête et dont la principale disposition s’en remet « à la justice, à l’équité et à la bonne conscience du juge. » Ils le font avec beaucoup de bonne volonté, mais parfois de façon à déconcerter les prévisions des plaideurs. Appréciant, dans son rapport pour 1911, la justice pénale, le chef du Legal Department s’exprime ainsi : « Les procès sont jugés avec négligence et incurie et donnent un résultat évidemment très inférieur à ce qui était obtenu dans le passé. Les juges sont trop disposés à admettre qu’ils connaissent le Code pénal et le Code de procédure criminelle sans les avoir ouverts et quelquefois même, je le crains, à penser que le législateur s’est trompé et qu’ils peuvent légiférer eux-mêmes. »

Le service sanitaire des principales villes fonctionne de façon remarquable. La propreté de Khartoum fait l’admiration des touristes. La lutte contre les moustiques est poursuivie avec