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presque entièrement aux grands lacs déchargés par le Nil Blanc[1]. Elever dans le Soudan le niveau du fleuve par des barrages, emmagasiner ses eaux dans des réservoirs, dégager son courant en le draguant, en l’endiguant et en le canalisant, serait permettre à l’Égypte d’en tirer abondamment parti toute l’année et plus particulièrement à l’époque de la crue. D’autre part, la crue annuelle et, par conséquent, les travaux agricoles qui la suivent, se manifestent, au Soudan, puis en Égypte, à quelques mois d’intervalle, de telle sorte que l’eau cesse d’être utile au premier de ces pays un peu avant la date où le second commence à en avoir besoin. On pourrait donc, à la condition, bien entendu, d’accroître le débit utilement disponible de tout le liquide consommé dans les champs du Soudan, les irriguer sans rien distraire de ce qui est nécessaire à la région en aval.

« Il convient d’observer, écrivait à ce sujet en 1910 l’inspecteur général des irrigations, que, dans la majeure partie du pays, l’eau n’est pas nécessaire durant les mois de l’année où le fleuve est à l’étiage et où l’Égypte a besoin d’eau ; que d’autre part, sauf dans le voisinage de Khartoum et plus au Nord, les récoltes du Soudan sont obtenues pendant la crue et les mois d’hiver, c’est-à-dire du 15 juillet au 1er mars, dates entre lesquelles l’eau est inutile à l’Égypte. »

Tenant compte de ces données, sir W. Garstin, ingénieur éminent, conseiller du ministère des Travaux publics d’Égypte, a ébauché en 1904 un vaste projet qui comporte, entre autres, l’établissement de régulateurs aux chutes Ripon sur le lac Victoria et à quelques kilomètres en aval du lac Albert sur le Bahr et Gebel, le creusement d’un canal rectiligne long de 210 kilomètres, muni de régulateurs aux deux extrémités, qui couperait la boucle formée par le Bahr et Gebel, de Bor à son confluent avec le Sobat, la construction d’un grand réservoir au Sud de Roseires près de la frontière d’Abyssinie et d’un autre réservoir sur le Nil Bleu, etc.

Inutile d’ajouter que cette œuvre gigantesque, dont l’achèvement exigerait une dépense de plus de 550 millions suivant le devis de sir W. Garstin, n’est pas près d’être achevée. Son auteur déclare que « le temps n’est pas encore venu d’exécuter la majeure partie d’un aussi vaste programme et que, même si

  1. Sir W. Garstin, conseiller aux Travaux publics en Égypte, Report upon the Basin of the Upper Nile, 1904, p. 171.