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le rôle du mari, seigneur et maître des biens conjugaux communs, ou encore celui du commandité qui gère seul les capitaux apportés par le commanditaire.

Les subventions de l’Egypte ont alimenté, de 1899 à 1913, le budget soudanais dans une proportion qui, au début, dépassait de 200 à 300 pour 100 le montant des recettes. À ces subsides normaux, réguliers et non remboursables, il faut ajouter les sommes productives d’intérêts, avancées sans fixation de terme par le trésor khédivial sur son fonds de réserve, afin de pourvoir à des travaux publics exécutés au Soudan, soit un total de plus de 200 millions. C’est grâce à ces libéralités que le pays s’est si rapidement muni des capitaux fixes nécessaires à son développement, que les bâtimens publics ont été construits, les lignes ferrées et télégraphiques posées, les flottilles de bateaux à vapeur affrétées, les routes ouvertes, les ports creusés et, nous l’avons déjà observé, les déficits comblés.

Cette charge, qui ne sera vraisemblablement plus augmentée, a jusqu’ici été supportée par l’opinion publique égyptienne avec une répugnance dont la presse indigène et naguère, à diverses reprises, le Conseil législatif, se sont souvent faits l’écho. Pour les Egyptiens, le Soudan, suivant le mot de Gordon, « est, a toujours été, sera toujours une possession inutile. » Nuisible même, ont-ils ajouté. Port-Soudan et le chemin de fer de Berber à la Mer-Rouge vont détourner à jamais de la vallée inférieure du Nil le commerce de l’Afrique centrale, le coton soudanais menace de concurrencer un jour le coton égyptien, et l’eau nécessaire à sa culture sera obtenue aux dépens de l’irrigation du Saïd et du Delta.

Le conseiller financier égyptien et l’agent britannique au Caire se sont, à diverses reprises, efforcés de réfuter cette opinion en observant, le premier : « Que la prospérité de l’Egypte dépend essentiellement de l’eau du Nil ; que celle-ci peut facilement être détournée par les maîtres du Soudan et que le main-lien du débit du fleuve ne saurait donc être payé trop cher ; » le second : « Que sans la reconquête, il aurait été nécessaire de maintenir des forces importantes sur la frontière méridionale en prévision d’une invasion des derviches ; » que d’autre part, le budget égyptien réalise, grâce au Soudan, des profils tels que les droits d’importation perçus (jusqu’à l’année dernière) par les douanes khédiviales sur les marchandises à destination de ce