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plus reculés, des poteries finement modelées, de riches bijoux d’une grande valeur artistique. Des traces de culture peuvent être relevées dans plusieurs vallées situées très loin du fleuve et où s’élevaient des maisons et des temples bâtis de pierres et de briques, ornés de peintures et de bas-reliefs. De vastes réservoirs rendaient l’irrigation possible en toute saison. Des routes avaient été tracées dans les forêts les plus épaisses. On jouissait à cette époque d’une sécurité qui n’était pas moins remarquable. Si l’on relève des vestiges de fortifications dans la province de Wady-Halfa, de Dongola et sur l’emplacement de Meroé et de Dungeil, les autres localités n’étaient pas défendues[1].

Le pays entretenait des relations commerciales et politiques suivies avec ses voisins de l’Est et du Nord. Du milieu du VIIIe, au milieu du VIIe siècle, l’Egypte fut conquise, puis gouvernée par une dynastie nubienne dont la capitale était Napata et qui a laissé, dans la province de Dongola, des inscriptions dont la principale nous a été conservée grâce à la fameuse stèle de Piankhi, découverte en 1862 près de Gebel Barkat, au-dessous de la quatrième cataracte, et qui relate la conquête de la vallée inférieure du Nil, accomplie vers 721 avant Jésus-Christ par le roi de ce nom. À l’époque où Pline écrivit son Histoire Naturelle[2], le pays était retombé dans la barbarie et dans la misère. C’est ce que déclarèrent les deux centurions partis sur l’ordre de Néron à la recherche des sources du Nil. Après avoir énuméré, d’après les écrivains grecs antérieurs, une longue liste de villes situées sur le rivage des fleuves, Pline observe que, de son temps, un très petit nombre d’entre elles existaient encore. Les monumens gréco-romains qu’on étudie en ce moment dans l’ile de Meroé, et dont les principaux sont le palais de Mousaouarat et le temple de Nagaa, les joyaux et les poteries qu’on y a découverts établissent toutefois que, sous les empereurs flaviens et antonins, ce territoire jouissait d’une assez grande prospérité, tout au moins que de riches colonies s’y étaient fixées.

Durant les six premiers siècles de l’ère chrétienne, la Nubie,

  1. J. W. Crowfoot, The Island of Meroe, chap. II ( [Archeological survey of Egyptt, edited by F. L. Griffitlh, 19e mémoire) ; — J. Garstang, A. H. Sayce, F. L. Griffith, Meroe, the city of the Ethiopians ; — A. Wallis Budge, Annals of nubian kings, 1912.
  2. L. VI, chap. 35.