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du fond d’un puits desséché, descendre des escadrons du ciel et rendre ses partisans invulnérables ? » Pour que ces dispositions héréditaires fassent place à une idiosyncrasie nouvelle, il faudra sans doute que la jeune génération, née après la conquête à peine achevée du pays à la civilisation, se soit imbue de quelques-unes des idées et ait acquis les besoins élémentaires qui caractérisent les sociétés occidentales. L’influence et le prestige des fonctionnaires, des missionnaires, des immigrans européens et égyptiens, les efforts des marchands, les habitudes acquises par les soldats indigènes pendant la durée de leur service militaire, les progrès de l’instruction sous toutes ses formes, dont la plus imprévue est le film cinématographique qui se déroule maintenant dans plusieurs villes soudanaises, réaliseront cette transformation dans le Soudan beaucoup plus rapidement, on peut l’espérer, que dans l’Ouganda, la Nigeria et nos possessions de l’Afrique occidentale.

Si, — et tout permet de le croire, — les naturels du Soudan oriental appartiennent à la même race que les anciens habitans de cette région, leur aptitude à une vie policée n’est en effet pas douteuse. Pour en être convaincu, il suffit de contempler les vestiges laissés par leurs ancêtres à l’époque de notre préhistoire.


II

L’histoire du Soudan a une origine très lointaine. Dès l’ancien Empire et peut-être antérieurement, cette région fut colonisée par les Egyptiens, et une civilisation analogue à celle des Pharaons, c’est-à-dire fort élevée et même brillante à certains égards, s’y développa. Les relations de Waddington et Hanbury, surtout celles de Caillaud puis de Lepsius[1], ont, dès le premier quart du XIXe siècle, décrit de nombreux et grandioses monumens, vestiges surprenans des civilisations disparues dont les géographes de l’antiquité avaient signalé l’existence à ces explorateurs. A partir de Wady-Halfa, on traverse de nombreuses localités que signalent d’antiques monumens en ruines. Les archéologues ont dû faire un choix. Depuis quelques années les travaux qu’ils exécutent sur cinq ou six points {

  1. Waddington and Hanbury, Journal of a visit to some parts of Ethiopia, in London, 1822 ; — F. Caillaud, Voyage à Meroé, au fleuve Blanc, etc. Paris, 1826 ; — Lepsius, Lettres.