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cette époque date le projet, qu’on le verra réaliser l’année suivante, d’introduire le passeport obligatoire à la frontière franco-alsacienne. Vainement le prince de Hohenlohe, gouverneur des provinces annexées, lui démontrera que les entraves déjà mises aux libres communications ont fort indisposé les Alsaciens, et que, si l’on y ajoute une entrave nouvelle, en rendant le passeport obligatoire, le mécontentement risque de grandir au point qu’il ne restera plus finalement qu’à déclarer l’état de siège ; il ne s’entête pas moins dans son projet et avec tant d’énergie que, l’année suivante, le gouverneur, de guerre lasse, adopte une mesure qu’il juge dangereuse autant qu’inutile.

Du reste, partout ailleurs, à tout propos, pour des riens, sous le moindre prétexte, le chancelier nous cherche querelle, avec moins de vivacité sans doute qu’au cours de ses dissentimens avec la majorité du Reichstag, mais avec une persistance sous laquelle il est impossible de ne pas voir la volonté d’empêcher en France la manifestation des sentimens qui sont l’honneur des peuples libres et l’exercice des droits les plus sacrés. C’est ainsi, par exemple, qu’il récrimine par l’organe de la presse contre la loi que le gouvernement français propose aux Chambres et qui a pour objet de frapper d’une taxe, en de certaines conditions, les étrangers qui résident sur son territoire. C’est la guerre à coups d’épingles : mais elle est plus irritante qu’une guerre à coups d’épée. Elle oblige l’ambassadeur de France à être toujours sur la brèche pour défendre son gouvernement dont les intentions sont systématiquement dénaturées. Il en est ainsi jusqu’au moment où, sous la poussée de circonstances plus pressantes, l’attention du chancelier semble, au moins en apparence, se détourner de nous.

Les questions extérieures s’aggravent de plus en plus. L’Angleterre a pris possession de l’Egypte, malgré le mécontentement des grandes Puissances. En Bulgarie, le prince régnant, Alexandre de Battenberg, a été contraint d’abdiquer et Ferdinand de Cobourg occupe sa place, malgré les protestations de la Russie, que semblent seconder les autres États. Mais le tsar Alexandre III soupçonne l’Allemagne de n’être pas sincère dans les protestations qu’elle fait entendre. Il a brisé le lien qui l’attachait à elle et à l’Autriche : la Triple Alliance n’existe plus et les rapports de Saint-Pétersbourg avec Berlin se ressentent