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suites de son coup d’audace. Qu’adviendrait-il si les électeurs maintenaient leur confiance aux députés opposans et si un changement de règne survenait en pleine crise constitutionnelle ? Le parti de la Cour était en proie aux mêmes anxiétés, et là, comme dans le parti militaire, on s’irritait contre l’opposition qui venait de triompher.

— Il faut en finir avec elle, disait-on ; l’amour du peuple pour l’Empereur la fera rentrer dans l’ombre.

On le disait ; mais, dans ce propos, il y avait plus de fanfaronnade que de franchise. Un peu partout, on était excédé de cette campagne de fausses nouvelles, d’accusations imméritées et d’alarmes jouées, qui avait son contre-coup sur les affaires, dépréciait les fonds publics et obligeait les grands établissemens de crédit à venir en aide à l’industrie, au commerce, à l’agriculture. Il n’est pas téméraire de supposer qu’à ce moment, plus qu’à aucun autre de sa carrière ministérielle, le prince de Bismarck a senti peser sur lui la lassitude que faisaient éprouver au pays les excès de son pouvoir dictatorial. Mais ce n’est là qu’une supposition, et on est plus sûr de ne pas se tromper en rappelant avec quelle fermeté et quelle audace il a bravé la tempête que lui-même avait déchaînée.

Il voit coalisées contre lui des oppositions et des influences, qui dans un autre pays suffiraient à renverser le plus puissant ministre. Il est combattu non seulement par ce parti du Centre qui vient de lui faire échec, mais encore par l’impératrice Augusta, par la princesse impériale Victoria et par leur entourage. Le kronprinz Frédéric lui-même désapprouve sa politique qu’il trouve dangereuse pour l’avenir de la dynastie. Mais, assuré de l’appui de l’Empereur qu’il tient dans sa main et de l’approbation du prince Guillaume dont il a conquis la confiance et l’amitié, Bismarck oppose, au groupement des forces hostiles, la vigueur et la résolution d’un homme qui sait ce qu’il veut et où il va et, pour atteindre son but, combattra jusqu’à la dernière extrémité. Tous les moyens qu’il a employés pour détruire l’influence du Centre dans le Reichstag, il les emploiera avec plus de violence pour la détruire dans les collèges électoraux et pour y conquérir la majorité dont il a besoin.

Ce sera toujours la même argumentation. Si le Septennat est voté, l’Allemagne continuera à inspirer tant de craintes à ses ennemis qu’aucun d’eux n’osera l’attaquer et que la paix