Saint-Vallier, dans l’initiative qu’il avait prise de désigner la Tunisie aux ambitions françaises comme une conquête facile qu’il ne nous disputerait pas et dans la persistance avec laquelle il se plaisait depuis à encourager nos entreprises coloniales.
Sans doute, le mobile de ses conseils n’était que trop facile à discerner. Il se flattait de nous détourner de toute pensée de revanche et d’éveiller contre nous les susceptibilités et les défiances de l’Angleterre et de l’Italie.
— C’est notre intérêt qu’elles se brouillent avec la France, disait-il ; et puis pendant que les Français seront occupés à Tunis, ils ne regarderont pas du côté de la frontière du Rhin.
D’autre part, il ne faut pas oublier que, dans la conduite de sa politique, il s’était montré maintes fois dépourvu de scrupules. Il était dans ses habitudes de subordonner aux circonstances l’exécution de ses promesses les plus formelles et de ses engagemens les plus sacrés. Peut-être, lorsqu’il poussait la France à prendre pied en Tunisie et même au Maroc, se réservait-il intérieurement de la dépouiller plus tard de son empire colonial. La question n’a jamais été éclaircie de savoir si en 1887, au moment où l’Italie remplaçait la Russie dans la Triple-Alliance et y entrait uniquement, nous le savons aujourd’hui, dans l’intérêt de la paix et pour maintenir, de concert avec l’Autriche, l’équilibre dans l’Adriatique, le chancelier lui avait ouvert des perspectives sur l’empire chérifien. Ce qui est plus vrai, c’est qu’on le disait à Constantinople et que le gouvernement ottoman commençait à s’inquiéter des périls auxquels il croyait exposée sa puissance en Afrique.
Mais quelles que fussent les arrière-pensées et les illusions du prince de Bismarck, l’aide amicale qu’il affectait de porter au développement de nos possessions d’outre-mer n’en contribuait pas moins à maintenir l’Europe dans l’atmosphère relativement rassérénée où Guillaume Ier semblait avoir puisé son inspiration lorsque, en répondant à M. Jules Herbette, il reconnaissait la possibilité pour les « nations voisines » de trouver, dans les intérêts qui leur étaient communs, le terrain d’une entente féconde et durable.
Cependant, en dépit des assurances pacifiques qui saluaient l’ambassadeur de France à son arrivée à Berlin, il suffisait d’un peu de clairvoyance et de prévoyance pour se rendre compte de leur caractère accidentel et passager. Il n’était que trop certain