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mystique. Chamelier et cavalier l’escortent sous le double signe du triangle et du croissant, entre des esclaves noirs à la tête crépue, chargée de corbeilles. L’ancienne civilisation, dont les paroles de sagesse, — chinoises, hindoues, japonaises, — s’inscrivent sous le groupe de l’esprit, de l’éléphant, des animaux et des esclaves, est-elle à sa place à la suite de l’élan jeune et fier d’un soleil levant ? Indiscrète question. L’essentiel est que les nations de l’Ouest et de l’Est comprennent qu’elles sont ici conviées par une nouvelle République, qui se donne pour mission de rapprocher les peuples, dont son jeune sang fusionne les vieilles races. Pourquoi les convier, sinon pour un message de paix, d’union, de bonheur ?

Ce message de prospérité, l’Exposition le délivre au monde. Des deux côtés des arcs de triomphe, elle ouvre de cour en cour la promesse des fécondités : à l’Occident, la Cour d’Abondance ; puis la Cour des Saisons ; enfin, le palais de l’Horticulture, au dôme vitré, treillage de verdure, dans le style des jardins français du XVIIe siècle ; à l’Orient, après le flamboiement, à la Gustave Doré, d’un gothique espagnol, hommage rendu au passé hispanique de la Californie, la Cour des Palmes. Après avoir dressé sur la berge marine la colonne du Succès, figuré par un archer qui tend vers un but invisible sa flèche rigide sur la corde ployée, les Etats-Unis élèvent, à l’autre extrémité de l’avenue du Progrès, le signe éblouissant et dominateur de la Richesse, but suprême de l’effort, aspect sensibilisé de la joie. De degré en degré, la Tour des Pierreries élève la succession de ses plates-formes, appuyées sur l’élégant et ferme soutien de colonnes dont le jet hardi exprime l’Idéal. Cette tour des trésors et du bonheur, au pied de laquelle veille, à cheval, le conquistador, Pizarro ou Cortez, aventurier de la grande époque des découvertes, ne saurait, pour l’opinion américaine, être espagnole qu’au début et le caballero reste à la base. Pour aider l’ascension plus haut, vers les sommets, des aigles de pierre apparaissent. A l’extrémité de la tour qui, par sept fois, s’élève, et six fois s’amincit, la Fortune passe une étincelante écharpe autour du Globe. Ici, les Etats-Unis ont, sous le signe visible de la richesse, tente de matérialiser le bonheur. Par la sagesse de ses aigles, pacifiquement assis près des colonnes qui montent d’étage en étage, la grande République dont le jeune sang fusionne les vieilles races offre à ses citoyens la promesse