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contente d’être belle. Sans chercher à étonner ni à surprendre, elle se propose de plaire, de charmer. Et elle y réussit.

Le caprice de l’art a-t-il seul disposé pour la joie des yeux ces jardins et ces palais, ces fontaines et ces dômes ? L’architecte le dit, mais le rêveur proteste. Dans la combinaison des eaux, des jardins et des pierres, il veut que les Etats-Unis adressent un message au monde. Dans cette Exposition, qui ne célèbre pas quelque grande date, une Indépendance, comme, en 1878, à Philadelphie, une expansion territoriale, comme en 1904, à Saint-Louis, mais un fait contemporain, la jonction transcontinentale de deux Océans, l’esprit imagine que les Etats-Unis cherchent, par l’ampleur de leur pensée dans l’espace, à en racheter l’insuffisance de perspective, dans le temps. Des deux Océans rapprochés, ils élèvent leur regard sur les deux grandes terres qui, des deux côtés, leur font face, et, demandant à l’avenir, pour multiplier la minute présente, le prolongement qui d’habitude se demande à l’évocation du passé, ils célèbrent la jonction des Océans, en rêvant à l’Union des Peuples du Monde.

Centre de l’Exposition, la Cour de l’Univers en explique la pensée. Dominant l’eau chantante des fontaines, deux colonnes reçoivent, l’une, la lassitude éteinte du soleil couchant, l’autre, la fierté svelte du jeune Dieu, maître du jour. Deux arcs élevés à la gloire des races de l’Occident et de l’Orient soulignent et prolongent d’une opposition de monde à monde le contraste du soir au matin. Sur leur socle géant, les nations s’avancent. A l’Occident, sur le timon d’un char tiré par deux grands bœufs placides, une paysanne exprime, debout, la joie de la moisson finie, tandis qu’au sommet de l’amoncellement des épis, deux enfans jouent près du génie de l’Entreprise, divinité supérieure et protectrice qui, le genou ployé pour un dernier effort, lève, en se redressant, le pacifique trophée d’une gerbe victorieuse. Houe sur l’épaule ou branche à la main, deux laboureurs accompagnent le char que précèdent deux cavaliers, l’un Indien, l’autre Européen, maîtres successifs de la prairie vierge, peu à peu soumise à la culture occidentale, dans l’avance américaine vers l’Ouest.

Face au groupe occidental, un éléphant, trompe baissée, défenses inclinées, porte une tour symbolique, d’où, sous le turban de l’Inde, sort l’esprit de l’Orient contemplatif et