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l’Océan, dont les vagues courtes s’immobilisent sous le ciel gris. Des soldats, en tenue de corvée, passent. Bientôt, plus d’Océan, mais de multiples vallonnemens. Voici des oasis de verdure gardées par des eucalyptus, au fût svelte, couronné de panaches feuillus. Le genêt de Californie alterne avec le mimosa. Des palmes apparaissent. Sans être aussi ardente qu’à la frontière du Mexique, dans la baie de San Diego, sous l’intensité bleue d’un ciel éclatant, ni aussi chaude, aussi caressante que sur la rive parfumée de les Angeles, la terre est semi-tropicale. Mais la mer qui la prolonge, le ciel qui la domine, ne lui répondent pas sur le même ton. Entre cette terre et ce ciel, pas d’entente ; entre cette terre et cette mer, pas d’harmonie, La terre vibre de joie, le » ciel et la mer sont pénétrés de mélancolie : ciel et mer de Bretagne. Comment les regarder sans penser à la France ?

Entre les hauteurs de la ville, étagée de colline en colline, et la surface égale de la baie, c’est maintenant la surprise d’une cité de fantaisie, improvisation délicate et fragile de coupoles, de minarets, de rotondes et détours. L’essor des victoires s’ouvre au sommet des colonnes. Des bassins offrent au front des palais leur miroir liquide. Des jardins les enserrent, des avenues s’ouvrent, et les palmiers, qui les jalonnent, se gainent de fleurs. Près de la ville, l’Exposition devient exhibition. C’est la gaieté frivole de la « zone des attractions, » des villages mexicains, hawaïens, japonais. Mais cette concession faite aux amateurs de plaisirs bruyans, l’Exposition, discrète, cherche avec tact une note élégante et simple. Pas d’exagération architecturale. Nul audacieux défi au sens de la ligne et de la couleur. Plus de gratte-ciel peints, comme à New-York, ou sculptés, comme à Chicago. Ni géans de pierre, ni monstres de couleur ; mais une harmonieuse combinaison des proportions, des tonalités et des formes. Ni blanc, ni noir, mais un indéfinissable mélange de jaune, de bleu, de rose, broyés, pulvérisés, dans la pâte dorée qui, pétrifiée, recouvre le bois des façades ; puis du jaune, du bleu, du rose, du vert, des couleurs tendres ; enfin, au soir, la douceur des clartés artificielles, versées de loin par des astres cachés. Jamais l’architecture américaine ne s’était montrée, sous une inspiration plus classique, plus habile dans la combinaison des lignes, plus discrète dans celle des couleurs.

L’Exposition n’occupe pas une grande surface. Ni colossale, ni grandiose, ni vaste, — ce qu’elle ne peut ou ne veut, — elle se