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A Rimini, il ne salue point l’Adriatique, et non plus à Ancône, où elle est pourtant si belle. Il couche à Lorette dans un immense lit, qui avait servi à Bonaparte, et sa vertu y triomphe d’une rude épreuve. Il passe à côté de Recanati, sans faire allusion à Leopardi qu’il parait ignorer. Puis, à travers l’Apennin, il descend vers l’Ombrie et rejoint le chemin déjà suivi, quand il ramenait Pauline mourante.

Au début d’octobre, il est à Rome. Il a une désillusion en revoyant les monumens qu’il compare à ceux d’Athènes et trouve moins parfaits. Mais les environs ont toujours le même charme. Aussi, dans les deux livres des Mémoires, — en dehors des événemens politiques, de la mort de Léon XII qui lui légua son chat, et du conclave d’où sortit Pie VIII, — parle-t-il moins de la ville que des fouilles qu’il a fait entreprendre à Torre Vergata et de ses promenades dans la campagne. « Il n’y a pas, dit-il, de petit chemin entre deux haies que je ne connaisse mieux que les sentiers de Combourg. » Il note, avec complaisance, qu’avant lui les écrivains voyaient seulement l’horreur et la nudité de ce paysage, et que, depuis ses descriptions, ils ont passé du dénigrement à l’enthousiasme. « Les voyageurs anglais et français, qui m’ont suivi, ont marqué tous leurs pas de la Storta à Rome par des extases. M. de Tournon, dans ses Etudes statistiques, entre dans la voie d’admiration que j’ai eu le bonheur d’ouvrir. » Il est un peu vexé du succès qu’obtint une relation de voyage publiée, en 1804, par Charles de Bonstetten, cet écrivain bernois que Sainte-Beuve appelle un aimable Voltaire suisse. « On y retrouve, dit-il dédaigneusement, quelques sentimens vrais de cette admirable solitude. » Mais il tient à rappeler que la Lettre à Fontanes parut un an avant et que c’est lui, et nul autre, qui a découvert la campagne romaine. Il faut d’ailleurs reconnaître qu’il est difficile d’en parler après lui ; peu d’écrivains s’y risquèrent.

Quand il quitte Rome, à la fin de mai 1829, il lui adresse une déclaration d’amour et fait le vœu d’y mourir. « Si j’ai le bonheur de finir mes jours ici, je me suis arrangé pour avoir à Saint-Onuphre un réduit joignant la chambre où Le Tasse expira. Aux momens perdus de mon ambassade, à la fenêtre de ma cellule, je continuerai mes Mémoires. Dans un des plus beaux sites de la terre, parmi les orangers et les chênes verts, Rome entière sous mes yeux, chaque matin, en me mettant à