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MON CARNET D’ÉCLAIREUR

II[1]


IX. — REPRISE DE MON SERVICE

Notre groupe, placé en batterie, était face à l’Est, entre Chuignes et Fontaine-les-Cappy. La cinquième, séparée des deux autres batteries, était dissimulée soigneusement, — comme d’habitude, — derrière la crête d’un plateau légèrement ondulé ; à quelques dizaines de mètres en arrière se trouvaient nos avant-trains, abrités dans un large fossé.

Les Bavarois étaient très près de nous, et nous étions tous émus de l’alerte de la veille : le capitaine s’était, en effet, aperçu subitement qu’il n’y avait plus d’infanterie devant nous pour nous protéger, et cela à la nuit tombante. Des conducteurs durent se poster en sentinelles, très loin devant nos pièces pour nous prévenir, en cas d’attaque. Il parait que personne ne dormit cette nuit-là à la batterie, et je le comprends ! Le soir de mon arrivée, l’erreur était réparée ; mais, par prudence, nous gardâmes nos armes à portée de la main.

A mon grand regret, j’avais dû céder « Epopée, » — une bonne petite jument, quoique fragile, — à un jeune sous-officier, chef de la première pièce, qui me donna en échange ce vieil imbécile d’ « Ebrard, » une ancienne connaissance. J’étais navré et fort mal disposé contre ce malheureux « veau ; » mais, à la longue, je finis par m’habituer à sa démarche

  1. Voyez la Revue du 1er août.