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le général Hertzog ne pensait manifestement qu’à la population hollandaise. Parlant à Urededorp des deux fractions afrikanders, « chacune fière de son passé, c’est, — disait-il, — comme si deux nationalités sud-africaines allaient à la manière de deux fleuves coulant côte à côte. Ces deux fleuves, ajoutait-il, ont le droit de conserver chacun leur propre lit : nous ne devons pas tenter de mélanger leurs eaux sans nécessité. »

Le général Botha n’avait pas laissé sans réponse des idées si différentes des siennes, publiquement défendues par un de ses collaborateurs. « La question du drapeau, — disait-il à Grahamstown, la veille du discours d’Hertzog à de Wildt, — a été réglée définitivement à Vereeniging. La signature de ce traité a mis fin à un siècle de lutte et de mésintelligence. Divisons-nous sur des questions économiques, mais non sur des questions sociales. C’est faire preuve d’une bien grande étroitesse de vues de croire que pour aimer l’Afrique du Sud il faut être hostile à la mère patrie. La Grande-Bretagne, sans doute, n’est pas la mère patrie des plus anciens habitans, mais ceux-ci ont appris que le drapeau anglais est synonyme de liberté. Les Hollandais ont prouvé qu’ils sont dignes du gouvernement responsable. » La collaboration n’était plus possible entre les partisans de la politique de conciliation et ceux de la politique des deux fleuves. Le général Botha, n’ayant pu obtenir de son collègue une explication satisfaisante et une promesse pour l’avenir, lui demanda sa démission. Le général Hertzog s’y étant refusé, le premier ministre remit la démission du Cabinet tout entier. A la demande du gouverneur général, le général Botha forma un nouveau ministère où ne figurait pas le général Hertzog.

Au Parlement, où la lutte se poursuivit violente, la grande majorité du parti sud-africain continua sa confiance au général Botha. Mais la population hollandaise tout entière était profondément troublée. Elle sentait le danger d’un si grand conflit à l’aube de l’Union. Par ses discours acerbes, ses insinuations froissantes, le général Hertzog rendit toute réconciliation impossible. Consulté, le président Steyn suggéra la retraite momentanée du général Botha, le choix par le parti d’un nouveau chef acceptable par les deux fractions, et le recours à une élection générale. Après le vote de confiance que lui avait accordé le Parlement, le général Botha crut impossible de suivre ce conseil. En novembre 1913, le débat était porté devant le