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Parmi les colons introduits dans la colonie du Cap pendant la domination hollandaise, il y avait un petit nombre d’Allemands. De même que les protestans français, qui avaient cherché là-bas un refuge après la révocation de l’Edit de Nantes, ces Allemands s’étaient vite fondus dans la masse de la population. Au lendemain de la guerre de Crimée, l’Angleterre donna des concessions de terre, sur la frontière orientale, aux anciens membres de la légion allemande qui, eux aussi, ont fait souche. L’Allemagne s’était désintéressée de ces émigrans. Peut-être, cependant, est-ce leur existence qui, lorsque les marchands de Hambourg, Brème, Francfort, un peu avant la guerre de 1870, demandèrent à Bismarck la fondation d’une colonie en climat tempéré, la fit penser à l’Afrique du Sud. Aucune suite ne fut donnée à ce projet. Mais l’Afrique australe ne devait plus être perdue de vue par les Allemands.

En septembre 1880, sir Bartle Frère, gouverneur de la colonie du Cap, appelait l’attention du gouvernement anglais sur un article paru récemment dans les Geographische Nachrichten, où l’auteur, Ernst von Weber, au retour d’un voyage d’études, recommandait vivement l’établissement d’une colonie allemande dans cette région : « L’Afrique du Sud Orientale, — écrivait-il, — a pour nous, Allemands, un intérêt évident : car, ici, habite une race splendide qui nous est alliée par la langue et les coutumes… Les ramifications des familles boers s’étendent dans toute l’Afrique du Sud, et l’on peut parler d’une nation afrikander ou d’Africains bas-allemands, qui forme une race homogène de la montagne de la Table au Limpopo. C’est un fait qui aurait une grande importance dans le cas d’une rébellion des Boers, en vue de former une fédération africano-hollandaise. » E. von Weber suggérait l’envoi ininterrompu d’émigrans allemands nombreux qui, « progressivement, donneraient une prépondérance numérique décidée aux Allemands sur la population hollandaise et effectueraient ainsi graduellement, de manière pacifique, la germanisation du pays. » Cette idée n’eut pas de suite, mais, en 1883, l’Allemagne annexait presque toute la côte occidentale de l’Afrique du Sud, avec son hinterland, de l’embouchure du fleuve Orange à la frontière méridionale de l’Angola, région parcourue depuis une soixantaine d’années déjà par des missionnaires et des trafiquans allemands. Dès 1877, sir Bartle Frère avait exprimé des craintes