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chances de succès sont de cinq cents contre une, en risquant de franchir la ligne interdite. Il n’y a pas de croisière, là où il n’y a ni visite des navires, ni sécurité assurée à leur personnel. Le mot zone de guerre a été mis en avant en Allemagne ; mais guerre est une chose, et crime en est une autre. Dans le camp adverse, on a parlé de pirates ou de forbans ; ce n’est pas plus juste. Les pirates, de nationalité barbaresque pour la plupart » ne coulaient nullement leurs prises ; ils respectaient avec soin la vie des prisonniers, qui étaient pour eux du butin. Les forbans, gens sans nationalité, coulaient la prise après pillage et noyaient souvent l’équipage avec elle ; ils avaient, comme excuse, le soin de leur sécurité, parce qu’ils redoutaient les dénonciations, qu’ils se savaient traqués sans merci et pendus sans miséricorde. Les Allemands à l’œuvre sur leurs sous-marins agissent bien comme les forbans, mais ils ont une nationalité, dont ils sont vraisemblablement fiers, et ils ne courent nullement le risque de la corde ; s’ils ont un nom dans la langue allemande, il faudra l’accepter sans essayer de le traduire.

Lorsque l’on considère l’attitude actuelle de ceux des quarante-quatre signataires de la convention de 1907 qui n’ont pas été entraînés dans la guerre, c’est-à-dire l’indifférence des neutres pour leur signature en face des violations du droit, on est tenté de conclure que la pratique des conférences internationales n’a pas résisté à l’épreuve de la guerre et que le généreux effort de 1899-1907 n’a conduit qu’à la faillite. Le principe même des Congrès de la paix serait alors définitivement abandonné.

Ce serait mal préjuger de l’avenir.

Le besoin d’apaisement, le désir mondial de concorde, qui suivront le naufrage de la Weltpolitik, feront apprécier plus haut que jamais, en tout pays, tout ce qui peut, en quelque mesure, écarter le péril de la guerre, et associeront plus intimement les chefs d’Etat à la pensée de celui qui a inspiré la première tentative de règlement pacifique dans les conflits internationaux.

Si les conventions n’ont réussi, ni à adoucir les rigueurs de la guerre, ni même à les maintenir dans leurs limites séculaires, l’échec est uniquement dû à leur silence sur un point capital, celui des sanctions. Aux yeux du juriste de métier, l’absence de sanction peut annuler pratiquement le droit lui-même. Les délégués aux conférences de La Haye se sont-ils fait scrupule