Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/770

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

A en juger par la vivacité des réclamations qu’adresse l’Allemagne au gouvernement de Washington, son ravitaillement en coton ne serait plus aussi parfait qu’au mois de mars. C’est sans doute la conséquence des mesures de représailles, qui ont été prises à la suite de la menace, faite en février, de développer la guerre des sous-marins contre les paquebots, et dont le détail n’a pas été publié. Il y aurait quelque naïveté à compter sur l’horreur causée par la destruction du Lusitania pour guérir les cotonniers américains de l’empressement à vendre aux Allemands ce que ceux-ci acceptent de payer un bon prix. Là où l’intérêt pécuniaire entre en jeu, les principes d’humanité subissent malheureusement une éclipse.

De la question de la contrebande de guerre, passons à celle du blocus.

Le Congrès de La Haye a simplement fait sienne la déclaration de Paris :

« Le blocus doit être effectif.

« Il doit être déclaré ou notifié, »

en ajoutant quelques précisions. On entend aujourd’hui par blocus effectif, celui qui est effectué par une force navale assez puissante, pour que le bâtiment neutre ne puisse risquer de franchir la ligne interdite avec des chances raisonnables de succès.

Ou le Congrès était bien mal renseigné, ou il était peu clairvoyant, quand il a considéré comme une opération réalisable, en 1907, le blocus ainsi décrit. La situation avait changé depuis 1856. Le sous-marin avait fait son apparition et même atteint un certain épanouissement.

La théorie du blocus est restée faussée par le souvenir de la marine à voiles et du temps où les navires de guerre, approvisionnés pour six mois et faciles à ravitailler, pouvaient stationner pendant des années à l’orée d’une rade ou d’un estuaire. C’est le temps où, devant Brest, l’escadre anglaise sillonnait la mer de ses bordées et la resillonnait, tant que durait la brise, sans perdre de vue l’Iroise et le goulet :


Où l’amiral Ganteaume
Allait de Brest à Bertheaume,
Et, par le même vent d’Est,
Revenait de Bertheaume à Brest.


Ces temps sont aussi loin que la bataille de Salamine.