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sous leur pavillon, un « nombre raisonnable » de bateaux neutres, et même quatre bateaux belligérans. Où prendrait-on ces bateaux belligérans ? La note ne le dit pas, mais rien n’est sans doute plus simple. L’Allemagne n’a-t-elle pas un nombre assez considérable de navires de commerce qui, au commencement de la guerre, ont cherché un refuge dans les ports américains où ils sont restés immobilisés ? Il y aurait là, au moins pour quelques-uns d’entre eux, le moyen de rentrer en circulation et, pour l’Allemagne, de rentrer en leur possession.

La presse américaine a été à peu près unanime à protester contre ce marchandage humiliant : quant à la presse allemande, elle a manifesté bruyamment sa joie à la lecture de la note. Nous avons parlé, il y a quinze jours, des divisions qui s’étaient produites dans le gouvernement impérial, où les uns voulaient atténuer et les autres continuer en les aggravant les rigueurs de la piraterie maritime. Après la note, les premiers se sont tus et les seconds ont exulté. « Nos sous-marins, écrit la Post, continueront de faire la guerre : telle est en résumé la réponse allemande à la note américaine du 10 juin. Le peuple allemand peut être tranquille : on lui laissera le droit d’agir comme auparavant. Nous maintenons notre point de vue. Pour le gouvernement allemand, il n’y a qu’un chemin sur lequel le peuple allemand soit prêt à le suivre, c’est celui de la guerre par sous-marins. Peu nous importe l’aménité américaine. »

Et, comme pour donner une consécration à ces détestables paroles, une tentative de torpillage a eu lieu aussitôt contre le paquebot anglais Orduna, qui portait un assez grand nombre d’Américains et qu’on ne pouvait pas même soupçonner de faire un commerce de munitions de guerre, ni par conséquent d’exposer de pauvres enfans allemands à perdre leurs pères, car il allait de Liverpool à New-York. Une torpille a été lancée contre lui ; il a eu la bonne fortune d’y échapper, mais l’intention criminelle y était, et l’Amérique a senti un surcroît d’indignation de ce commentaire de la note impériale.

À cette note il fallait répondre. On n’accusera pas M. Wilson de l’avoir fait à la légère. Il y a réfléchi longtemps ; mais enfin il a pris son parti. Il a jugé que la controverse était close, que les argumens étaient épuisés, enfin que le moment de conclure était venu.

La note américaine cesse donc de discuter ; elle se contente de maintenir les principes que les notes précédentes ont solidement établis et elle le fait avec un surcroît d’énergie qui indique une résolution désormais inébranlable. Nous extrayons de ce texte les trois