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sévère que l’Allemagne ; mais quant à elle, ne sait-on pas qu’elle est au-dessus de tout, par conséquent au-dessus de toutes les règles, et qu’elle n’a à tenir compte que de son intérêt ?

Cette hypocrisie, qui produit, dans toute conscience droite, un mouvement de révolte et de dégoût, ne s’est jamais affichée avec plus d’impudence que dans la dernière note allemande. « Le gouvernement impérial, y lit-on, a appris avec satisfaction, pas sa note, combien le gouvernement des États-Unis tient sérieusement à ce que les principes d’humanité soient observés dans la guerre actuelle. Ce désir trouve un vif écho en Allemagne… L’Allemagne a de même toujours maintenu le principe d’après lequel la guerre doit être dirigée contre les forces armées et organisées d’un pays ennemi, tandis que la population civile du pays ennemi doit être épargnée, autant que possible, par les mesures prises en raison de la guerre… Si, dans la guerre actuelle, les principes qui devraient être l’idéal de l’avenir ont été lésés de plus en plus, à mesure que cette guerre s’est prolongée, ce n’est pas la faute du gouvernement allemand… En faisant en principe tous ses efforts pour sauvegarder la vie et les propriétés des neutres, autant que possible, le gouvernement allemand a reconnu sans réserve, dans son mémorandum du 2 février, que les intérêts des neutres pourraient souffrir de la guerre sous-marine. » Il est inutile de prolonger ces citations. A-t-on remarqué ces mots « autant que possible, » qui reviennent à deux reprises

différentes pour atténuer la rigueur des principes le plus fortement énoncés ? Ces mots sont pleins de larmes et de sang ; ils suent le meurtre et le crime ; ils font passer devant nos yeux les tragiques fantômes de Louvain, de Termonde, d’Aerschot, d’Arras, de Reims, de Gerbéviller, auxquels vient d’ajouter celui du Lusitania. En vérité, ils appellent la vengeance du ciel sur le malfaiteur colossal qui à fusillé tant de femmes, d’enfans, de vieillards, de prêtres et de religieux et qui aujourd’hui, avec une ironie satanique, se donne pour le champion de l’humanité.

Ce ne serait pas l’Allemagne, si on en croyait la dernière note allemande, qui aurait violé les règles du droit des gens, mais bien le gouvernement britannique, auquel revient, dès lors, toute la responsabilité des désastres survenus. « Le cas du Lusitania, écrit sans sourciller le rédacteur teuton, montre avec une horrible clarté à quelle mise en danger de vies humaines aboutit la manière de conduire la guerre qu’emploient nos adversaires, en contradiction très directe avec la loi internationale. » Telle est l’affirmation : où est la preuve ?