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venus à l’esprit d’un petit nombre d’entre eux, qui ne sont pas des moindres dans le parti, et enfin les ambitions territoriales inopportunément avouées par le chancelier de l’Empire et par le roi de Bavière ont achevé de leur ouvrir les yeux. MM. Haase, Bernstein et Kautsky ont signé une déclaration dans laquelle ils ont protesté contre toute idée de conquête, comme étant contraire aux principes du parti. Que ne s’en sont-ils aperçus plus tôt ? Ils se seraient épargné des déceptions pénibles et aussi un désaveu qui, sans doute, ne l’a pas été moins. Le Comité du parti socialiste allemand a siégé, en effet, à Berlin le 30 juin et le 1er juillet dernier, et, après deux jours de discussion, a voté une résolution qui approuve l’attitude du bureau du parti et du groupe parlementaire et condamne les tentatives faites pour diviser le parti. Un paragraphe spécial déclare que la publication faite par M. Haase est incompatible avec le devoir d’un directeur de parti. La presse s’en est mêlée. Du côté gouvernemental, on s’est efforcé de mettre fin à ces polémiques en faisant ressortir que les journaux étrangers les exploitaient. Certains journaux ont été suspendus. Chacun est resté sur les positions qu’il avait prises, mais il faut bien avouer que MM. Haase, Bernstein et Kautsky sont restés isolés. On s’est demandé s’il n’y avait pas là un jeu concerté. Nous n’en croyons rien. Malgré la faute première qu’ils ont commise et qu’ils paraissent regretter aujourd’hui, M. Haase et ses deux suivans ne sont pas hommes à se prêter à une comédie. Mais on peut se demander si le gouvernement allemand a vu leur altitude d’un aussi mauvais œil qu’il a paru le faire. Que lui importe, en somme, que le parti socialiste allemand se divise dans une aussi faible mesure qu’il l’a fait ? La grande majorité, presque l’unanimité, reste soumise à la politique impériale. Ces gens-là ont l’habitude de la discipline. Mais on a pu espérer à Berlin que, si la nouvelle attitude de MM. Haase, Bernstein et Kautsky n’avait pas divisé le parti socialiste en Allemagne, elle le diviserait peut-être ailleurs. Qui sait si les socialistes des pays alliés, entendant invoquer des principes qui sont les leurs et chanter, qu’on nous passe le mot, un refrain qui leur est familier, ne se laisseraient pas entraîner par la voix des sirènes vers le pacifisme, vers la paix ? C’est en effet la paix, la paix sans conquête ni d’un côté ni de l’autre, qu’appellent de leurs vœux MM. Haase, Bernstein et Kautsky. Qu’en diraient, par exemple, les socialistes français ?

C’est un point sur lequel on n’a pas tardé à être fixé. Le Conseil national du parti socialiste unifié, — « section française de l’Internationale ouvrière, » — s’est réuni le 14 juillet et, à l’unanimité des