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promené la Révolution à travers l’Europe et porté si haut la gloire de la France. Qu’on laisse là Rouget de l’Isle ; qu’on ne trouble pas le souvenir que nous a laissé la journée désormais historique du 14 Juillet 1915. Elle a été simple et grave et a trouvé dans M. le Président de la République l’orateur qui lui convenait.

La presse a rendu justice au discours prononcé par M. Poincaré dans le décor impressionnant de la cour des Invalides, au milieu d’une foule émue, recueillie, profondément sérieuse, qui bientôt s’est mise à vibrer en entendant les paroles qu’elle attendait, qu’elle appelait, dont sa conscience avait besoin. M. le Président de la République a rappelé les origines de la guerre. Il a montré la France restant, non pas certes indifférente, ni même impassible sous le coup des provocations les plus directes, mais néanmoins tout acquise à la paix et aux œuvres qu’elle permet d’accomplir. Jusqu’au dernier moment, elle a fait ce qui dépendait d’elle pour en conserver le bienfait ; mais comment y aurait-elle réussi puisque l’on voulait la guerre à Berlin ? Elle a donc éclaté, il était impossible qu’elle n’éclatât pas. « Chacun de nous, messieurs, a dit M. Poincaré, peut en toute sérénité ranimer ses souvenirs et interroger sa conscience. À aucun moment, nous n’avons négligé de prononcer le mot et de faire le geste qui aurait pu dissiper les menaces de guerre, si un fol attentat contre la paix européenne n’avait été, depuis longtemps, voulu et préparé par des ennemis implacables ; nous avons été les victimes innocentes de l’agression la plus brutale et la plus savamment préméditée. Mais puisqu’on nous a contraints à tirer l’épée, nous n’avons pas le droit de la remettre au fourreau avant le jour où nous aurons vengé nos morts et où la victoire commune des Alliés nous permettra de réparer nos ruines, de refaire la France intégrale et de nous prémunir efficacement contre le retour périodique des provocations. » Il faudrait citer tout ce discours, mais est-ce bien nécessaire, tous les Français ne l’ont-ils pas lu et n’ont-ils pas applaudi dans le fond de leur âme, comme on l’a fait dans la cour des Invalides, les paroles par lesquelles M. Poincaré a repoussé « une paix honteuse » qui laisserait l’avenir incertain ? « Qui pourrait, s’est-il écrié, s’arrêter un seul instant à de telles visions ? Qui donc oserait faire cette injure au bon sens public et à la clairvoyance nationale ? Il n’est pas un seul de nos soldats, il n’est pas un seul citoyen, il n’est pas une seule femme de France qui ne comprennent clairement que tout l’avenir de notre race et non seulement son honneur, mais son existence même, sont suspendus aux lourdes minutes de cette guerre inexorable. Nous avons la volonté de vaincre, nous avons la