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tomberait rapidement à mesure que le projectile se déplace, celui-ci en arrivant au sortir de la pièce ne serait animé que d’une vitesse relativement faible. La propulsion du projectile doit être faite par une substance qui brûle progressivement à mesure que le projectile avance et de telle sorte que toute la poudre brûle complètement et exactement dans le temps que le projectile met à parcourir l’âme du canon ou du fusil. Il est clair en effet qu’une combustion plus rapide et achevée avant la sortie du projectile aurait pour effet de créer derrière celui-ci une sorte de vide relatif qui retarderait sa vitesse à la sortie ; au contraire, avec une combustion trop lente, on arriverait, à faire brûler inutilement de la poudre après la sortie du projectile. C’est sur ces bases qu’ont été établies, comme nous le verrons, les propriétés réalisées dans les poudres modernes.

Les explosifs proprement dits ont au contraire, de par leurs effets brisans, un rôle tout différent : ce sont eux qui, emplissant le corps des obus percutans, feront voler ceux-ci en innombrables éclats meurtriers lorsqu’ils arriveront au but. L’efficacité obtenue sera d’autant plus terrible que la rapidité de la détonation sera plus grande : à cet égard, nos obus à mélinite sont de pures merveilles qui, dans le cas du 75 par exemple, éclatent en plus de 2 000 éclats coupans qui sèment la mort dans un rayon d’au moins 40 mètres. Nos obus explosifs se sont même montrés si efficaces que, dans la guerre actuelle, on les emploie presque toujours, non seulement contre les obstacles matériels, mais contre les troupes ennemies de préférence aux shrapnells et contrairement aux prévisions des règlemens d’artillerie. Les shrapnells ne sont plus guère employés que dans les tirs de réglage et les tirs sur avions.

Il nous reste maintenant, sortant du cadre de ces généralités, à voir comment et après quelles laborieuses études on a réalisé les modalités diverses qui caractérisent actuellement, — ou plutôt qui caractérisaient avant la guerre, car les perfectionnemens récens ne doivent pas être divulgués, — les poudres et les explosifs dont la voix sonore fait frémir aujourd’hui les champs de bataille. Il nous reste aussi à traiter la question des matières premières nécessaires à cette industrie qui peut être pour nos ennemis une pierre d’achoppement.


CHARLES NORDMANN.