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constitueront par la force des choses le second élément essentiel des explosifs, les carbures d’hydrogène constituant le premier.

Ainsi l’azote, élément indispensable des substances explosives modernes, se trouve justifier, d’une manière que n’avait sans doute pas prévue le chimiste qui le baptisa, l’étymologie de son nom : α privatif, ζωή, vie. Est-il rien en effet qui soit plus privatif de la vie que ces substances, sorties des cornues chimiques et qui restituent sur l’heure, en les dissociant proprement, tant de molécules boches au chimisme universel ?

Étant donné le nombre indéfini des carbures d’hydrogène et la quantité pratiquement illimitée des manières dont on peut les associer avec les composés de l’azote, on conçoit qu’on puisse réaliser une énorme variété d’explosifs…


Mais, jusqu’ici, nous n’avons considéré qu’un des côtés de notre définition des explosifs : celui qui concerne la production d’une grande augmentation de volume par combustion. Il nous reste à considérer l’autre aspect de la question, celui où intervient le temps, la durée. Si nous mettons le feu avec une allumette à un kilogramme d’essence de pétrole, celui-ci dégagera, en brûlant, et contrairement à une opinion courante, autant d’énergie sous forme de chaleur et d’expansion gazeuse qu’un kilogramme de dynamite. Pourtant, l’essence de pétrole n’est nullement un explosif. Qu’est-ce donc qui la différencie de la dynamite ? C’est que celle-ci dégage toute son énergie instantanément d’un coup, très brusquement, comme nous l’avons dit dans notre définition, en moins d’un centième de seconde, tandis que notre kilogramme d’essence de pétrole ne développe son énergie qu’en plusieurs minutes. C’est donc uniquement la rapidité du phénomène qui distingue la combustion explosive de la combustion ordinaire, et voilà qui limite déjà singulièrement le nombre des explosifs réalisables au moyen des carbures d’hydrogène et des produits azotiques.

La rapidité, la brièveté de leur action est donc la cause essentielle de l’action formidable des substances explosives. Le travail total qu’elles sont capables de fournir pour un poids donné, leur puissance, ne sont nullement supérieurs à ceux d’un combustible quelconque ; seulement, elles fournissent tout ce travail d’un seul coup, tandis que l’autre le fournit lentement et petit à petit. De là leurs effets terrifians. Une faible enfant pourra, au moyen d’un treuil, soulever en un quart d’heure un poids de cent kilogrammes à plusieurs mètres de