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REVUE LITTÉRAIRE

FRANCE ET ALLEMAGNE[1]

Un petit volume de trois cents pages qui vous résume l’histoire de France, — au moins la querelle de la France et de l’Allemagne, mais cette querelle occupe tous nos siècles, — un tel petit volume nous aguiche et nous inquiète. La quantité vivante des faits ne saurait tenir en un si court espace ; et, réduite ainsi, la somme de la gloire et des douleurs, si ample dans la réalité, ne devient-elle pas une image grêle et toute décharnée ? Au surplus, voyons le squelette, sur lequel se posent les muscles et qu’ils meuvent. Le principal est que l’auteur ne nous montre point un squelette mort, pour ainsi dire, mais à travers les muscles et dans leur jeu le squelette en activité.

Nous avons des historiens qui disent tout et, si l’on veut, qui n’ont jamais tout dit. Sur la plus menue aventure passée, ils entassent une énorme érudition, quelquefois rebutante. Et, le danger, c’est le fatras. Au bout du compte, ici comme ailleurs, tout dépend de l’ouvrier. S’il a gâché sa besogne, tant pis ; sa maladresse ne dément pas cette vérité, qu’en histoire (à mon avis) rien n’a été complètement stérile et n’est donc insignifiant. D’autres historiens choisissent parmi les faits ceux qu’ils considèrent comme les causes les plus efficaces ; ils négligent le reste et composent l’histoire selon leur vue de la réalité. Ils se trompent peut-être ; ils ne se trompent pas nécessairement. Je ne sais si M. Jacques Bainville se trompe, dans son Histoire de deux peuples, — France et Empire allemand ; — surtout, je ne sais pas où il se trompe, tant est rigoureuse et vive sa dialectique, tant il

  1. Histoire de deux peuples, « La France et l’Empire allemand, » par Jacques Bainville. (Nouvelle librairie nationale.)