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peut imaginer de plus horrible. Son mari est traité avec une rigueur incroyable, à ce qu’elle m’a dit ; il est dans une espèce de cachot où le jour pénètre à peine, dans lequel on ne fait pas de feu, où il n’avait pas de paille pour se coucher, elle n’a pu lui parler qu’à une grande distance à travers une grille et un gardien entre eux. — Que d’inquiétudes et de chagrins tu nous donnes ! Tu verras, ma Valérie, il viendra un moment où tu jugeras l’équipée du Prince comme elle doit être jugée, comme elle l’est généralement. Quand je me rappelle tous tes beaux discours sur sa modération, sur sa noblesse de sentimens, son grand sens, son esprit distingué, son désir modeste de venir en France pour servir sa patrie en simple citoyen, je ne puis m’empêcher de penser que tu étais bien dupe, bien aveuglée ou bien dissimulée, car il vient de donner un démenti éclatant à tous tes éloges. Il est venu conspirer, il conspirait depuis longtemps et cherchait à entraîner tous les militaires français qu’il voyait. Il se jette en France pour y allumer la guerre civile dans un moment où la France est tranquille et prospère… Quand nous reverrons-nous, Dieu le sait ? Qu’allons-nous devenir, Aimé et moi, je l’ignore… M. Bergmann (le Prince) a des nouvelles du voyage d’Élodie et de son amie (de Mme Salvage et de la Reine) ; le pauvre homme commence à se tranquilliser, il a des nouvelles de tout son monde… On dit M. de Persigny échappé, je pense que vous ne tarderez pas à le voir. Toute à toi, ta Laure.


(Ajouté par M. Arese : ) M. Cottrau monte chez moi pour m’apporter une lettre de Steinbach que M. de Persigny écrivait à M. de Rheinhard pour savoir s’il pouvait arriver chez lui… M. de Rheinhard apportait cette lettre toujours courant, et comme M. de Persigny était là chez un jeune médecin, il lui fit écrire en allemand à ce cher collègue pour lui dire qu’il attendait le jeune médecin qu’il lui avait promis. Je reçus aussi, ce jour-là, une bonne lettre de ma chère Fanny et, le soir, nous fûmes tous rassurés sur la Reine par une lettre de M. Desportes à Élisa, du 7.