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Sans carte, je ne puis indiquer notre itinéraire pour rejoindre nos batteries ; il y avait environ une vingtaine de kilomètres de parcours accidenté jusqu’à Laneuveville-devant-Nancy, où nous retrouvâmes les camarades ; ils étaient déjà là depuis deux jours et prêts à partir à tout moment ; on fit le bivouac à la corde pour les chevaux ; les hommes couchèrent dans une grange et sous une halle pleine de paille et de foin : notre première nuit « en campagne ! »


III. — ATTENDANT L’OFFENSIVE

Elle ne fut pas longue : à 2 heures, réveil ; départ à 4 heures.

En colonne, par pièces doublées, dans un champ d’avoine, nous primes, sans débrider, un repas froid, et attendîmes l’ordre de partir, qui ne vint d’ailleurs pas : cantonnement à Tomblaine, chevaux dans les écuries.

Le matin, le capitaine m’avait demandé si cela me plairait d’être éclaireur : « Avez-vous une bonne jument ? (C’était « Baïonnette. ») — Oui ? Eh bien ! alors, c’est entendu ! » — J’étais ravi.

L’après-midi de ce mercredi (5 août), nous apprîmes la déclaration de guerre.

A Tomblaine, confortable petit diner dans un café, avec quelques conducteurs de ma nouvelle pièce (la 2e). Ce fut, pour longtemps, notre dernier repas à table. Coucher dans une grange où je faillis perdre mon képi et mes éperons. La chaleur était forte et nous avions eu la chance d’échouer dans une excellente maison munie d’une fontaine, dont les patrons nous reçurent avec une grande amabilité ; les femmes faisaient déjà des bandes de pansemens et nous distribuèrent de la teinture d’iode.

Jeudi 6 août, réveil à 2 heures ; on attelle, et nous voilà prêts Je me présente au lieutenant chef des éclaireurs du groupe, parmi lesquels je prends ma place.

A 6 heures, nous nous rangeâmes sur la route au bord de laquelle, attendant les ordres, ma jument ne trouva rien de mieux que de reculer jusque dans le fossé profond d’un mètre et plein de vase ; il fallut, pour l’en retirer, huit hommes et deux cordes !… et en avant le pansage !… J’en eus au moins pour une demi-heure à la laver et brosser ; je m’étais déchiré les