Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aujourd’hui. Quant à M. Godard, nous ne pouvons en rien dire puisqu’on ne nous en dit rien et, dans l’ignorance où nous sommes de ses titres à diriger un grand service militaire, nous nous garderons bien de les contester : attendons-le à l’œuvre. Les hommes sont donc pour nous hors de cause. Quant à l’institution même des sous-secrétaires d’État à la Guerre, nous n’en dirons rien de plus, nous contentant de penser qu’un parlementaire n’a pas nécessairement des aptitudes supérieures à celles d’un technicien.

Si les Chambres ne se séparent pas positivement, elles jugeront sans doute à propos de se réunir moins souvent, comme le vote même de trois douzièmes provisoires au lieu d’un, ou de deux, est de nature à le faire croire. Quant au gouvernement, il sait aujourd’hui que, de loin ou de près, le contrôle parlementaire veille sur lui et il a montré qu’il n’avait aucune intention de s’y soustraire : il n’en a, au surplus, aucun moyen. Mais c’est seulement à l’ennemi que nous ne devons pas laisser de repos.


Les yeux continuent de se fixer sur les Balkans, sans réussir à y voir clair : il est seulement de plus en plus certain que l’introduction des pays balkaniques dans le cercle des États indépendans n’aura pas fait faire aux mœurs politiques de l’Europe un grand pas vers l’idéal. Combien tous ces peuples étaient plus intéressans lorsqu’ils étaient malheureux et que nous leur tendions une main généreuse pour les aider à secouer un joug détesté ! Ce sont eux aujourd’hui qui nous tendent la main, mais c’est pour que nous y mettions quelque chose. Il est très naturel et, dans une juste mesure, très légitime qu’ils cherchent à tirer parti des circonstances : ils devraient toutefois se rappeler notre désintéressement d’autrefois, non pas pour nous payer d’une complète réciprocité, — nous ne sommes pas assez naïfs pour leur en demander autant, — mais pour introduire quelque modération dans les exigences qu’ils nous notifient. Comment ne comprennent-ils pas que c’est d’ailleurs le seul moyen de les faire aboutir ? Nous ne demanderions naturellement pas mieux de les satisfaire : le malheur est qu’ils veulent tous les mêmes choses, en vertu de droits qu’ils regardent toujours comme supérieurs à ceux du voisin : cela rend la conciliation difficile. Nous avons eu plusieurs fois l’occasion, avant la guerre des Balkans contre la Porte, de dire de quelle haine atavique les États balkaniques sont animés les uns contre les autres, et cette haine est doublée d’un mépris qui y ajoute encore un ferment redoutable. Tels sont les sentimens des Bulgares pour