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que cette prudence était justifiée, du moins dans les conditions où l’armée navale se trouvait obligée de naviguer. Quelques semaines après, la catastrophe du Léon-Gambetta, à laquelle on peut attribuer les mêmes causes fondamentales qu’à l’accident du Jean-Bart, confirmait les hautes autorités navales dans l’impossibilité de tenir le blocus effectif d’un littoral bien organisé à moins de 300 milles.

Ainsi, et en résumé, que ce fût dans le Midi ou que ce fût dans le Nord, — l’Amirauté anglaise, on le sait, était arrivée à la même conclusion, — les grandes unités de combat, celles que l’on tenait essentiellement à garder en réserve pour la grande bataille rangée idéale, restaient le plus possible éloignées de la zone moyenne d’action des engins de la guerre sous-marine.

Entre temps, la nécessité, ou seulement l’intérêt d’agir énergiquement contre certaines défenses littorales, celles des Dardanelles en particulier, s’étant révélé aux Puissances alliées, on décida de mettre en ligne contre les ouvrages à terre, tout en les protégeant le mieux qu’on le pourrait contre les mines automatiques, — il n’était pas encore question de sous-marins de ce côté-là, — les cuirassés anciens, des types Majestic, London, Canopus, pour les Anglais, du type Bouvet, pour les Français.

L’idée était bonne, l’utilisation rationnelle, faute de bâtimens dont les facultés fussent exactement adaptées aux exigences de la guerre de côtes. Malheureusement, les unités dont il s’agit et dont l’artillerie rend de très grands services, se montrèrent très vulnérables à l’égard des engins sous-marins, soit que leurs constructeurs ne se fussent pas suffisamment préoccupés de leur assurer ce qu’on appelle « la stabilité après avaries », soit, plus probablement, que la puissance inattendue des mines et des torpilles ait déjoué tous les calculs. Mais, je le répète, au défaut de types appropriés aux opérations que l’on entendait et que l’on entend poursuivre jusqu’au succès final, les risques très marqués résultant des progrès étonnans de la nouvelle méthode de guerre navale ont été envisagés avec fermeté par les dirigeans et acceptés avec une sereine abnégation par les états-majors et les équipages.

La même situation va se présenter évidemment pour les