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Nous revenons au grand trot, par le chemin déjà parcouru et en nous espaçant comme à l’aller. En arrivant au cantonnement, nous trouvons dans le courrier du colonel le texte d’une proclamation allemande trouvée sur un officier allemand tué, et que nous nous faisons un devoir de reproduire ici, d’autant qu’elle a déjà été publiée dans la presse et qu’elle constitue un hommage rendu par l’ennemi à notre artillerie. Elle est signée du général allemand von Bergmann :

«… Les succès de l’artillerie française qui nous ont causé tant de pertes sensibles sont dus en première ligne à ce qu’il est le plus souvent possible aux Français de déterminer l’emplacement de nos batteries alors que nous ne réussissons pas à déterminer avec certitude l’emplacement des batteries ennemies. Pour arriver à égaler sous ce rapport l’artillerie française, il est nécessaire que nos reconnaissances et nos observations soient poussées comme les leurs en avant des lignes, même si cela doit rendre impossible la conduite du feu de la batterie à la voix. En outre, la reconnaissance des positions de l’artillerie ennemie doit être faite à tout prix par des patrouilles de gens ayant du cœur qui se glissent à travers les lignes de tirailleurs d’infanterie jusqu’à des points permettant des vues lointaines… »

Parmi les nombreuses remarques réconfortantes pour nous que suggère ce texte militaire allemand, il en est une qui s’impose avant tout. Le général von Bergmann fait allusion à la nécessité éventuelle de renoncer à la conduite du feu de la batterie à la voix. Cela prouve que cette manière de conduire le feu était alors la règle chez les Allemands, et comme on ne peut régler le tir d’une batterie à la voix qu’à la condition d’en être extrêmement rapproché, il s’ensuit que les Allemands n’avaient pas encore alors l’habitude de placer leurs postes d’observation et de commandement d’artillerie à grande distance en avant des batteries et communiquant avec celles-ci par téléphone. Cette dernière manière d’opérer, aujourd’hui communément employée d’un côté comme de l’autre de la barricade, ne s’est imposée aux Allemands comme à nous que peu à peu et par la force des choses. Il est donc faux de dire, comme nous