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l’une d’une dureté étonnante, dont elle a voulu qu’on gardât la copie à Saint-Cyr ; et l’autre très sèche. »

Sans doute, on trouverait des excuses à Mme de Maintenon : de grands intérêts à soutenir, des responsabilités fort graves, l’influence du Roi qui, à cette époque, avait pris l’affaire en mains et qu’une belle colère amena jusqu’à Saint-Cyr, où il expliqua lui-même, aux Dames assemblées, que les trois religieuses étaient sorties par son ordre, qu’il entendait que ce fût sans espoir de retour, et qu’il défendait qu’elles rentrassent jamais, « par toute son autorité de Roi et de fondateur. » Mais toutes ces raisons sont sans force devant un tribunal intime. Elles peuvent justifier des actes, elles ne légitiment pas des sentimens.

Au fond, Mme de la Maisonfort avait déçu sa protectrice, longuement, cruellement, définitivement. Depuis dix années et plus, depuis les beaux jours de Noisy, Mme de Maintenon l’avait suivie, choyée, dirigée ; elle lui avait fait crédit avec une patience et une affection maternelles. Elle se reprochait peut-être bien des faiblesses à son égard. Un cœur qui s’est beaucoup donné, s’il lui faut se reprendre, y met une sorte d’âpreté. Dès le premier jour, elle avait vu les défauts de sa jeune amie aussi clairement que ses qualités ; mais elle avait espéré de l’en corriger. Nous avons la lettre qu’elle lui écrivit au moment où Mme de la Maisonfort accepta de faire son second noviciat : elle est d’une clairvoyance absolue, mais on y sent aussi la tendresse, la confiance, un vrai désir de soutenir et d’élever une âme :

« … Quant à moi, ma chère fille, je vous proteste que je vous aime tendrement. Vous êtes une de celles de la communauté dont je goûte le plus la conversation ; mais Dieu ne m’a pas chargée de Saint-Cyr pour que j’y cherche mon plaisir, et que je donne la préférence à ce qui touche mon goût naturel. Il est donc vrai que, dans le temps que vous me plaisez, vous me faites peur pour la maison par ce manquement de simplicité que je vous ai si souvent reproché ; par cette présomption qui vous fait décider trop librement ; par cet attachement à vos propres lumières, qui ne se soumet jamais à celles des autres… Vous êtes naturellement généreuse et désintéressée ; vous êtes charmée par-là des conditions de votre fondation ; mais accompagnez-vous ce désintéressement de l’esprit de pauvreté que vous