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ne voyant rien dans ma conduite qui pût me les attirer…, je crus devoir lui demander un éclaircissement, — ce qu’elle évitait. Je la suivis un jour qu’elle allait seule à son appartement. S’en apercevant, elle me dit avec un redoublement de froideur : « Je ne veux point vous parler, ceci devient trop sérieux ; M. de Chartres va venir, je le laisserai décider. » Je lui répondis que je ne pouvais deviner de quoi il s’agissait… Après avoir été quelque temps en silence, elle me dit : « Je ne voulais point vous parler ; mais l’amitié, — puis se reprenant, — un reste d’amitié fait que je ne puis m’empêcher de vous avertir que vous vous préparez de grands malheurs ; mais comme votre cœur est droit, je crois qu’ils ne seront que temporels… » Je compris que ces malheurs dont on me menaçait étaient ma sortie de Saint-Cyr. Je le dis à mon confesseur, qui m’exhorta à demander à Dieu de demeurer dans mon état…

« M. de Chartres arrivé, on me fit comparaître devant lui, MM. B. (Brisacier) et T. (Tiberge) et Mme de Maintenon. »

Ils lui firent divers reproches qui semblent assez vagues, ou d’une précision un peu puérile. « MM. Brisacier et Tiberge demeuraient dans un grand silence ; Mme de Maintenon ne dit que quelques mots à la traverse, et finit par ceux-ci : « Mme de la Maisonfort aurait été une sainte dans le monde ; mais elle n’était pas née pour être religieuse ; elle aime trop sa liberté ; » ce qui n’avait pas grand rapport à ce dont il s’agissait, cet amour de la liberté ne m’empêchant point d’être assidue à mes devoirs. » Hélas ! c’était pourtant la parole la plus juste à dire…

A la suite de cette comparution, elle écrivit à M. de Chartres et à Mme de Maintenon, le plus humblement qu’il lui fut possible, et comme si elle eût désiré ardemment de rester à Saint-Cyr. « Ce n’était pas au fond que je craignisse d’en sortir ; et si j’avais suivi ce que me dictait l’orgueil, j’aurais eu une conduite opposée ; mais je ne voulais point avoir à me reprocher d’avoir manqué à faire ce qu’il fallait pour ne point sortir de la voie de Dieu. Après avoir écrit et envoyé mes lettres, je me sentis plus en paix.

« Dès qu’on les eut reçues, on m’envoya M. Tiberge, qui me demanda où j’irais si on me renvoyait. Je lui répondis que j’y penserais quand on m’aurait déclaré que ma sortie était résolue. Il me dit qu’elle l’était ; qu’on me laissait le choix du lieu où