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prélats ou prêtres éclairés, entre autres Bossuet, Bourdaloue, M. Jolly, M. Tronson. Ils furent unanimes dans leurs réponses. Alors, elle interdit à Mme Guyon tout commerce avec Saint-Cyr., C’était le temps où les Dames venaient, à la suite de leur second noviciat, de faire des vœux solennels. Elle crut qu’avec les nouveaux règlemens, le nouvel esprit de la communauté, tous ces raffinemens de piété disparaîtraient. Sans doute aurait-elle eu raison, s’il se fût agi d’une mode, et non d’un besoin réel de certaines âmes. Elle s’étonna de constater que la persécution ne faisait qu’irriter et diviser la communauté. Indécise encore quant à l’attitude qu’elle devait prendre dans l’affaire du Quiétisme au dehors, elle éprouvait une contrariété très nette à se sentir mal obéie dans son domaine propre, sa maison de Saint-Cyr. Elle aiguillonna Godet-Desmarais. Celui-ci, dans sa visite de 1695, se montra fort sévère. Il fouilla lui-même toute la maison, les bibliothèques, les classes, les cellules des Dames ; il enleva d’autorité tous les livres et les manuscrits qui lui parurent suspects ; il ne fit même point d’exception pour ceux de Fénelon.

C’était là le coup le plus sensible pour Mme de la Maisonfort : elle refusa de remettre à l’évêque les écrits qu’elle possédait de son directeur. Ou plutôt, elle supplia Mme de Maintenon de les lui laisser. Celle-ci fut inflexible. Mme de la Maisonfort obéit. Mais comme elle gardait à Fénelon sa confiance et son amitié, elle dut commencer de les retirer à Mme de Maintenon.

Ne regretterons-nous point, chez une religieuse, cet esprit d’insoumission ? Sans doute. Mais qu’on veuille bien se souvenir de deux faits, entre autres. L’année précédente, l’évêque de Chartres lui-même avait écrit à Mme de la Maisonfort : « Vous ne pouvez douter de mon estime singulière et tendre amitié pour l’abbé de Fénelon, que je crois incapable de vous donner aucune maxime disproportionnée à votre état. Mais tout ce qui est écrit pour vous n’est pas pour les autres, et réciproquement. » D’autre part, cette même année 1695, deux mois à peine avant les rigueurs de Godet-Desmarais, Fénelon, nommé archevêque de Cambrai par le Roi, sur la sollicitation de Mme de Maintenon, avait été consacré à Saint-Cyr même, et de la main de Bossuet.


J’ajouterai que, pour être équitable, il faut mettre, en regard de ses résistances, la bonne volonté de cette pauvre femme. Et